mercredi 19 mars 2008

COLOMBIE-ÉQUATEUR • Mille excuses, monsieur le Ministre !

Revue de presse du Courrier International - 18 mars 2008

Le principal quotidien colombien s'est excusé d'avoir publié une photo montrant prétendument Gustavo Larrea, le ministre de la Sécurité équatorien, en compagnie de Raúl Reyes, numéro deux des FARC, tué le 1er mars. Bogotá comptait pourtant se servir de cette "preuve"...

Gustavo Larrea montre la photo publiée dans El Tiempo lors d'une conférence de presse à Quito
17 mars 2008, AFP


Le quotidien El Tiempo s'est "excusé" platement dans son édition du 18 mars, auprès de ses lecteurs et du ministre de la Sécurité équatorien, Gustavo Larrea, "regrettant" la publication dimanche 16 mars d'une photo qui, affirmait le journal, montrait Larrea en grande conversation avec Raúl Reyes, le numéro 2 des FARC tué par l'armée colombienne le 1er mars dernier.

Las ! "Le personnage de la photo n'était pas Larrea mais un dirigeant communiste argentin", avoue le journal, qui raconte que ce cliché et la légende l'accompagnant lui avaient été remis par "un fonctionnaire de la police nationale colombienne".

Le scandale n'est pas anodin, car il intervient en pleine crise diplomatique après l'incursion militaire colombienne du 1er mars contre un campement des FARC en territoire équatorien, qui s'était soldée par la mort d'une vingtaine de guérilleros – dont le numéro deux des FARC, Reyes, et cinq étudiants mexicains. Or, pour se défendre d'avoir "violé" le territoire équatorien, la Colombie invoque la légitime défense et accuse l'Equateur d'abriter les guérilleros des FARC.

La photo tombait donc à pic. Tellement à pic qu'un membre de la délégation colombienne qui assistait lundi 17 mars à la réunion à Washington de l'Organisation des Etats d'Amérique (OEA) consacré à cette crise l'a fait circuler, rapporte le quotidien équatorien El Comercio. La photo a eu "son effet", poursuit le journal équatorien, et est devenue "le centre de l'intérêt de la presse qui couvrait la réunion". El Tiempo en a même remis une couche sur son site Internet en titrant que "la photo publiée par notre journal est au cœur des débats".

A Washington, un journaliste équatorien a cependant émis des doutes sur l'identité de la personne qui apparaissait sur la photo. "Il est trop athlétique et possède beaucoup trop de cheveux pour être Larrea", a-t-il affirmé. L'ambassadeur de l'Equateur à l'OEA s'est indigné, puis des diplomates argentins ont reconnu l'acolyte de Reyes : Patricio Echegaray, secrétaire général du Parti communiste argentin.

El Comercio a joint l'intéressé à Buenos Aires qui, ravi d'avoir "été promu ministre", raconte qu'il a effectivement rencontré Raúl Reyes plusieurs fois, mais toujours en territoire colombien. La photo date de 2005 et avait été publiée par la presse argentine.

La controverse n'est pas terminée pour autant. L'Equateur se défend des accusations colombiennes en affirmant avoir démantelé plus de 100 bases des FARC sur son territoire. Depuis le 1er mars, la presse colombienne a publié plusieurs documents trouvés dans l'ordinateur de Raúl Reyes qui étaient la thèse du gouvernement colombien sur les liens de l'Equateur et du Venezuela avec les FARC. La photo publié par El Tiempo avait d'ailleurs été présentée comme provenant de cet ordinateur. Interpol a été appelé à la rescousse pour inspecter les trois ordinateurs saisis dans le camp des FARC et authentifier ces documents. L'enquête est en cours...


A.P.

samedi 8 mars 2008

Réconciliation générale entre l'Equateur, la Colombie et le Venezuela

Le sommet du Groupe de Rio a scellé, vendredi à Saint-Dominigue, une réconciliation générale entre l'Equateur, la Colombie et le Venezuela, une semaine après le déclenchement d'une grave crise qui a mis l'Amérique latine au bord d'un conflit armé.A l'issue de débats parfois très vifs, M. Correa s'est dit prêt à considérer comme "dépassée" la crise, déclenchée par le raid de l'armée colombienne sur le territoire équatorien contre un camp de la guérilla marxiste des Farc. "En tant que pays, nous pourrions considérer comme dépassé ce grave incident qui nous a fait tant de mal", a déclaré le président équatorien, qui avait pourtant débuté son discours en dénonçant les "mensonges" de la Colombie. En signe d'assentiment, M. Uribe s'est aussitôt levé pour aller serrer la main de son homologue équatorien, sous les acclamations des autres dirigeants latino-américains, qui se sont mis debout pour célébrer l'événement.

Les présidents colombien Alvaro Uribe (g) et vénézuélien Hugo Chavez (d) se serrent la main sous les yeux du président de la République dominicaine Leonel Fernandez, le 7 mars 2008 à Saint-Domingue - AFP/Présidence

Le président colombien a également serré longuement la main de son homologue vénézuélien Hugo Chavez, qui soutenait l'Equateur dans son conflit frontalier avec la Colombie."Nous allons commencer à faire retomber la tension et les eaux vont retrouver leur cours normal", s'est félicité M. Chavez, à l'issue du sommet. "Nous ne pouvons pas continuer à faire souffler un vent de guerre", a-t-il poursuivi, assurant que le Venezuela allait reprendre "le chemin de la paix" avec la Colombie. Le président du Nicaragua Daniel Ortega, un des représentants de la gauche anti-américaine animée par M. Chavez, a aussi annoncé la reprise de ses relations diplomatiques avec la Colombie.

Captures d'écran du président équatorien Rafael Correa (G) et de son homologue colombien Alvaro Uribe, le 7 mars 2008 à Saint-Domingue - AFP

Alors que certains observateurs craignaient ses diatribes enflammées, c'est finalement le président du Venezuela qui a mis le sommet sur les rails de la réconciliation. "Nous avons encore le temps d'arrêter un tourbillon que nous pourrions tous regretter", a lancé M. Chavez, qui traitait encore il y a quelques jours M. Uribe de "criminel de guerre" pour son raid militaire. Cette attaque, lancée le 1er mars contre un camp des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) en Equateur, avait provoqué la mort du numéro deux de la guérilla marxiste, ainsi que d'une vingtaine de rebelles. M. Uribe qui a justifié ce raid, dirigé selon lui contre "l'un des plus sombres terroristes de l'histoire de l'humanité", s'est toutefois déclaré "prêt à demander pardon" à l'Equateur pour avoir violé son territoire. M. Chavez a aussi plaidé pour la reconnaissance des Farc comme "force insurgée" et non terroriste, annonçant avoir reçu des preuves de vie de militaires colombiens. "Le fait que nous les désignons comme des terroristes ne signifie pas que nous ne soyons pas disposés à négocier", a rétorqué M. Uribe.

Le président vénézuélien Hugo Chavez (D) au côté du président du Nicaragua Daniel Ortega, le 7 mars 2008 à Saint-Domingue - AFP

Les Farc, en rébellion contre la Colombie depuis 1964, désirent libérer 39 otages, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, en échange de 500 guérilleros emprisonnés. A Caracas, le ministre vénézuélien de l'Intérieur Ramon Rodriguez Chacin a annoncé avoir reçu des preuves de vie de dix militaires colombiens détenus par les Farc. A l'instar de M. Correa, le ministre a démenti les informations de la presse équatorienne sur une libération imminente d'Ingrid Betancourt, l'ancienne candidate à la présidentielle en Colombie, qui possède aussi la nationalité française. "Rien ne m'indique que cela (la libération de Mme Betancourt) est prévu dans les prochains jours", a déclaré Chacin lors d'une conférence de presse à Caracas.



Par Juan CASTRO OLIVERA 08/03/2008 - 07:23

ÉQUATEUR • Que faisaient les FARC en pyjama ?

5 mars 2008

Le raid contre la guérilla mené par les forces colombiennes en Équateur, le 1er mars, a provoqué une crise entre les deux pays. Mais pour l'éditorialiste d'El Universo, c'est l'inertie des autorités militaires de Quito qui pose problème.

Un soldat équatorien sur les lieux du raid de l'armée colombienne
2 mars 2008, AFP


Le raid mené par l'armée colombienne [qui s'est soldé par la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes, le 1er mars] a une fois de plus démontré que la narcoguérilla passait et repassait à volonté la frontière de l'Equateur comme si elle était chez elle. Ce n'est sans doute pas un hasard si deux chefs des FARC ont été soit capturé (Simón Trinidad en 2004) soit abattu (Raúl Reyes) sur le sol équatorien.

Le plus grave, c'est que, dans les deux cas, ce sont les services de renseignement colombiens et non équatoriens, qui étaient au courant. L'épisode Reyes est pour le moins humiliant : ce ne sont pas nos services de renseignement qui ont informé Rafael Correa [le président équatorien] de la présence de Reyes et de son camp de base sur notre territoire, mais le président [de la Colombie] Alvaro Uribe — et c'est lui encore qui l'a tenu au courant des derniers événements.

Notre armée ne savait-elle donc rien ? Ne dépensons-nous pourtant pas des millions de dollars pour assurer la sécurité de nos frontières ? Soit ces dépenses sont absolument inefficaces, soit, plus simplement, on ne dépense pas ce budget. Comment comprendre dans ce cas que ces messieurs les barbouzes excellent tant à surveiller l'opposition et soient incapables de tenir les FARC à l'œil ? Notre passivité pourrait s'expliquer par l'existence de liens entre de hauts fonctionnaires du régime et les FARC — ce qui serait très grave.

Mais l'autre hypothèse est pire encore : elle implique que les autorités équatoriennes auraient bel et bien été au courant de la présence de Reyes et des détails de l'opération, et que seul le fait que l'armée colombienne ait négligé d'évacuer tous les corps suffisamment rapidement a obligé Quito à protester. Nos militaires le savaient-ils et ont-ils dissimulé cette information ?

L'histoire des pyjamas est tout aussi déroutante [la plupart des guérilleros ont été surpris dans leur sommeil, en pyjama]. Il n'a effleuré personne que les FARC dormaient en pyjama dans la jungle. Sauf à se sentir vraiment très en sécurité sur le sol équatorien. Et encore. Viendra-t-on bientôt nous raconter qu'ils enfilaient aussi leurs pantoufles et buvaient un bon lait chaud avant d'aller se coucher ?

Un examen de la zone pourrait aider à comprendre ce qui s'est réellement passé. Pour l'instant, nous n'avons que la version des autorités colombiennes : il y a eu un combat au cours duquel l'armée colombienne a perdu un soldat. En un certain sens, le fait d'avoir été attaqués depuis l'Equateur les couvre, du point de vue du droit international. Au vu de l'échec total de nos "renseignements militaires", cette version semble en effet plus acceptable que celle des "pyjamas".

Au-delà de toutes les protestations, excuses, et rappels d'ambassadeurs, il ne faut pas oublier l'essentiel, à savoir que cet épisode signe une défaite cuisante des FARC et une victoire d'Uribe. Une preuve de plus que sa persévérance paye. Il semble toutefois curieux qu'un porte-parole des FARC elles-mêmes se soit avancé à déclarer que ce qui s'était passé ne doit pas interrompre le processus humanitaire. A croire que, même pour certains guérilleros, la mort de Reyes est une occasion de se dépêtrer d'un conflit qu'ils estiment perdu.

Quand ce chapitre se refermera et qu'arrivera la paix, Chávez et ses partisans resteront sur le trottoir de l'histoire, comme complices de ceux qui ont infligé tant de souffrances à des millions de frères colombiens.


Hernán Pérez-Loose
El Universo

AMÉRIQUE LATINE • Un sommet explosif

7 mars 2008


Hasard du calendrier, le Groupe de Rio se réunit en République dominicaine en pleine tension régionale. Les pourparlers entre chefs d'Etat vont bon train dans le but de trouver une solution pacifique.

"Une autre Amérique est possible". Un manifestant anti-Uribe à Guatemala. AFP



Depuis jeudi soir [6 mars], le président colombien Alvaro Uribe rencontre à Saint-Domingue plusieurs dirigeants latino-américains afin de s'assurer de leur soutien dans la crise qui l'oppose à ses homologues de l'Equateur, du Venezuela et du Nicaragua [Daniel Ortega, a rompu les relations diplomatiques entre les deux pays en signe de protestation contre Uribe]. C'est la première fois que ces quatre chefs d'Etat vont se retrouver face à face depuis la crise déclenchée par le raid colombien en territoire équatorien [le 1er mars, qui a causé la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes].

Les thèmes qui devaient être abordés lors de cette rencontre du Groupe de Rio [organisation créée en 1986 visant à une meilleure coopération entre les pays latino-américains, elle compte aujourd'hui 19 membres], à savoir les ressources énergétiques, le développement régional et la gestion des catastrophes naturelles, vont passer au second plan. Tous les regards sont braqués sur les moindres faits et gestes d'Alvaro Uribe, de Hugo Chávez, président du Venezuela, de Rafael Correa, président de l'Equateur et de Daniel Ortega, président du Nicaragua.

D'après certaines sources [diplomatiques], l'intention du front anticolombien est d'obtenir une condamnation de l'intervention colombienne en Equateur dans la déclaration finale de la rencontre. L'Equateur va tout tenter pour gagner ce bras de fer, après le succès diplomatique remporté par la Colombie lors du dernier Conseil permanent de l'OEA [Organisation des Etats américains]. Mais Uribe ne compte pas se laisser faire. Il est arrivé en République dominicaine avec une foule de documents [saisis lors du raid], notamment des vidéos de la guérilla en territoire équatorien et vénézuélien, mais aussi des discours belliqueux du président Chávez à l'encontre de différents pays, au cours de ses neuf années au pouvoir.

Uribe détient une carte maîtresse qu'il n'hésitera pas à sortir : rappeler qu'il y a vingt ans, le Nicaragua a mis en place l'opération "Danto 88", qui a consisté à intervenir au Honduras afin d'attaquer plusieurs bases des contras [contrarevolucionarios, anciens de la garde nationale soutenus par les Etats-Unis.]. A l'époque, le président du Nicaragua était déjà Daniel Ortega qui, aujourd'hui, s'insurge contre l'intervention de la Colombie en Equateur afin de rompre les relations diplomatiques avec notre pays.

A son arrivée à Saint-Domingue, Uribe s'est entretenu avec les présidents de la République dominicaine, Leonel Fernández, du Salvador, Elías Antonio Saca, et avec le ministre des Affaires étrangères brésilien, Celso Amorím. Uribe a également rencontré en privé le secrétaire général de l'OEA, José Miguel Insulza, ainsi que les présidents mexicain et guatémaltèque, Felipe Calderón et Alvaro Colom. Leonel Fernández a proposé à Uribe de participer à une réunion privée avec Rafael Correa et Hugo Chávez, en vue d'une conciliation, mais Uribe a refusé. Alvaro Colom, à son arrivée à Saint-Domingue, a pour sa part annoncé qu'il œuvrerait dans la même direction, et que c'est pour cela qu'il tenait à rencontrer Uribe et Chávez séparément. Quant au président du Mexique, Felipe Calderón, il a fait part de son désir de trouver une issue diplomatique à cette crise régionale.

Ce n'est pas la première fois que le Sommet de Rio est ainsi instrumentalisé par les chefs d'Etat afin de régler leurs problèmes bilatéraux. Lors des premières éditions, les projecteurs étaient braqués sur l'ancien président cubain, Fidel Castro, et ses diatribes contre les programmes d'ouverture économique ou l'embargo américain. Aujourd'hui, c'est le président vénézuélien qui compte profiter de la médiatisation du sommet pour se mettre en avant. Uribe n'est pas non plus novice en la matière. Lors du sommet de 2003, il avait déjà eu une petite altercation avec son collègue vénézuélien qui était restée sans suite. Aujourd'hui, le ton a changé. Uribe sait non seulement qu'il va devoir affronter Chávez mais qu'il lui faudra également supporter les discours incendiaires que Correa et Ortega ne manqueront pas de faire.


Edulfo Peña, envoyé spécial à Saint Domingue
El Tiempo

mercredi 5 mars 2008

MÉDECINE TRADITIONNELLE EN ÉQUATEUR • Quand les chamans exercent en toute légalité

Courrier international n° 699 - 25 mars 2004

Enquête
Dans certains centres de santé équatoriens, le chaman, l'accoucheuse et le rebouteux officient désormais aux côtés du dentiste, du gynécologue et du médecin généraliste. Cette intégration permet notamment de valoriser les pharmacopées traditionnelles.


Mercedes a eu plus de mal à trouver le récipient adéquat qu'elle ne l'imaginait. Les pharmacies vendent en général des flasques dont les parois sont d'une coloration blanchâtre qui empêche de voir le contenu. Or la couleur du récipient est très importante. Le yachac [médecin indien] a bien insisté : le récipient contenant l'échantillon d'urine doit être transparent. Sinon, il ne pourra pas procéder à l'analyse - une analyse qui n'a pas besoin d'un laboratoire sophistiqué. Xavier Perugachi, le yachac, a simplement recours à son oeil exercé et à des pierres spéciales, sur lesquelles on sait très peu de chose. Dans le Jambi Huasi [maison de santé] où le yachac reçoit ses patients, on utilise également d'autres méthodes de diagnostic issues de la culture indienne, comme la lecture de la bougie - qui, pour Perugachi, équivaut à "regarder un écran de télévision" - ou la "radiographie du cochon d'Inde", qui consiste à passer cet animal sur le corps du malade pour déterminer quels sont les organes atteints. Après le diagnostic vient le traitement, qui s'appuie sur l'utilisation d'essences naturelles (aromathérapie) ou de plantes médicinales. Ces connaissances ont été transmises à Perugachi par son père et par son grand-père. Il en a acquis d'autres à Santo Domingo de los Colorados, où il a étudié la médecine pendant vingt ans avec les Indiens Tzáchilas.
Avant que l'actuelle Constitution n'entre en vigueur, ces pratiques étaient prohibées par le Code pénal, avec des peines de prison dans certains cas. Aujourd'hui, elles sont légales et réglementées par la Direction de la santé des peuples indiens, qui dépend du ministère de la Santé. Dans les centres de santé tels que le Jambi Huasi, le yachac, l'accoucheuse et le rebouteux officient aux côtés du dentiste, du gynécologue et du médecin généraliste. Le Jambi Huasi est le lieu où se produit la rencontre de deux cultures. Celui d'Otavalo, créé en 1994, reçoit environ 600 personnes par mois, dont plus de la moitié veulent être soignées par des tradipraticiens. Soixante-dix pour cent des patients du yachac sont métis. Le coût de la consultation est de 3 dollars. Ces chiffres concordent avec des statistiques récentes révélant que la médecine parallèle - qui inclut la médecine indienne, la naturopathie, l'homéopathie et l'acupuncture - rassemble de plus en plus d'adeptes dans le monde.
Au dire du Dr Arturo Chiriboga, un chirurgien converti à l'homéopathie et à l'acupuncture, environ 60 % des Equatoriens se sont tournés vers des médecines différentes de la médecine occidentale. Selon lui, cette évolution est due au fait que l'Occident traverse une crise provoquée par "la confusion des concepts de base du travail thérapeutique, qui définissent la santé comme un silence des organes, une absence de gêne ou de symptômes organiques, et par rapport à une approche statistique qui définit la normalité". Une telle approche ne satisferait pas les besoins de santé et de bien-être. Cette crise serait une expression du désenchantement de nos contemporains, revenus du positivisme cartésien qui a influencé le développement de tout ce que nous connaissons sous le nom de science et qui, "dans le cas de la santé, voit le corps comme un mécanisme ou une somme d'organes et ignore l'intégralité de l'être". En conséquence, les maladies ne sont pas traitées en stimulant les défenses naturelles de l'organisme, mais seulement en masquant les symptômes douloureux. Pour le Dr Chiriboga, l'Occident contribue à l'édifice de la santé avec sa technologie (techniques chirurgicales, appareils, etc.), mais pas avec sa médecine.
Selon le Dr José Luis Coba, coordinateur de l'unité qui délivre le diplôme de santé intégrale à l'université Simon-Bolivar, la médecine traditionnelle offre une vision "holistique ou intégrale [...], qui considère le corps humain comme un système faisant partie intégrante de systèmes plus grands, en interaction constante, avec des variables liées à l'environnement, aux émotions, aux aspects physiques, écologiques, biologiques et sociaux..." C'est ce qui explique l'utilisation des plantes et des herbes par les yachacs. Ces pratiques se faufilent par l'interstice qu'a ouvert la crise de la pensée scientifique et rationnelle, qui n'a pas apporté le bonheur à l'humanité. Alors, cette dernière cherche et accepte d'autres explications ou savoirs, dont ceux qui incluent des pratiques magico-religieuses, telle la médecine indienne. Ces pratiques se fondent sur une conception du monde "qui sacralise la vie... Les Indiens croient que toute la vie naît de quatre grands aïeux, l'eau, l'air, la terre et le feu, et de leur combinaison. La bonne santé dépend de leur harmonie", précise le Dr Chiriboga. C'est la raison pour laquelle ceux qui peuvent rétablir cette harmonie, c'est-à-dire les yachacs et les chamans, invoquent ces éléments dans les rituels de guérison.


Les premiers cultivent un savoir qu'ils ont hérité de leurs parents ; les seconds l'apprennent d'autres sages. Hormis rétablir l'harmonie ou l'équilibre énergétique, qui rend au corps sa jinchi [force], que peut faire la médecine traditionnelle ? Il n'existe aucune statistique permettant de tirer des conclusions. Ce type de médecine ne traite pas spécifiquement de maladies psychosomatiques, puisque "la médecine indienne ne dissocie pas le corps et le domaine psychoaffectif". Le Dr Chiriboga rappelle à ce sujet que "personne ne soigne rien" et que "le corps se soigne seul". Il reconnaît cependant que la médecine indiennne s'est développée à l'époque du Tahuantinsuyu [les "quatre quartiers" - nom que les Incas donnaient à leur Empire], lorsque "les maladies les plus répandues étaient les maladies sociales, comme celle que l'on appelle le mal aire [littéralement "mauvais air" : fièvre accompagnée de vomissements et de diarrhée]. Elles étaient dues à des émotions provoquées par un événement négatif, qui altéraient le système." Xavier Perugachi, lui, affirme qu'il soigne. Pour cela, il a principalement recours aux plantes : l'oshelín pour l'ostéoporose, l'ambo [variété de pomme de terre dont le nom botanique est Solanum tuberosum] pour la mauvaise vue, etc. La liste est longue. Il en conserve des centaines dans son cabinet.
Le point fort de la médecine traditionnelle est donc le savoir des yachacs et des chamans. Mais c'est également sa faiblesse. Comme le dit le Dr Miryam Conejo, directrice indienne du Jambi Huasi, "il faut différencier les tradipraticiens des charlatans, qui trompent les gens". L'un des rôles de la Direction de la santé indienne, créée en 1999, est justement de garantir que les tradipraticiens sont de véritables médecins. Ceux-ci ne pouvant fournir aucun diplôme, le critère utilisé est celui de la légitimité sociale, c'est-à-dire que les médecins sont nommés après consultation des communautés et des organisations indiennes. La réglementation de cette pratique médicale sera spécifiée dans un nouveau Code de la santé, élaboré à l'heure actuelle par les parlementaires avec l'aide de certains organismes internationaux supervisés par l'Organisation panaméricaine de la santé.


Pablo Albán

À 4 200 MÈTRES D’ALTITUDE • Sur la voie royale des Incas

Courrier International n° 682 - 27 nov. 2003

Pour contrôler leur Empire, les Incas ont bâti un réseau de routes de plus de 45 000 km que leurs messagers parcouraient au pas de course. Aujourd’hui, l’Equateur, après le Pérou, veut restaurer ces chemins. Etes-vous prêt à marcher à travers les Andes par temps frais ?


Les Incas ont été - plusieurs siècles avant l'arrivée des Espagnols - les véritables bâtisseurs des routes d'Amérique du Sud. Comme le dit le poète espagnol Antonio Machado [1835-1939] : "Ils ont fait le chemin en marchant", construisant un réseau routier étendu, véritable autoroute andine du passé. Grâce au "Chemin de l'Inca", les messagers de l'Empire, qui étaient d'excellents coureurs, pouvaient parcourir jusqu'à 200 km par jour et relier la côte du Pacifique aux Andes en quelques heures. On dit que l'Inca pouvait, dans les montagnes, déguster du poisson frais et des spondyles (coquillages) pêchés le jour même. Cinq siècles plus tard, les vestiges de cette voie royale subsistent encore dans les montagnes équatoriennes et nous rattachent à l'Histoire. En tout, les Incas ont bâti plus de 45 000 kilomètres de routes (voies principales et secondaires) qui leur permettaient d'aller de Pasto [au sud de la Colombie] jusqu'au nord de l'Argentine. Avec ses 6 600 km, la voie principale était bien plus longue que la célèbre voie Appia [de Rome à Brindisi] construite par les Romains. Pour parcourir l'Incañan [le sentier impérial], il faut aimer l'aventure, avoir un caractère intrépide et être prêt à marcher des kilomètres et des kilomètres à plus de 4 000 m d'altitude. Rien n'empêche alors d'emprunter le monumental réseau routier qui reliait l'ancien Empire du Tahuantinsuyo - dont le centre était Cuzco - au royaume de Quito et à l'antique cité de Tomebamba, qui porte aujourd'hui le nom de Cuenca.

La partie équatorienne du Chemin de l'Inca ne présente aucun danger ; mais le brouillard qui règne à cette altitude et l'absence de signalisation le rendent difficile d'accès. L'aide d'un guide est donc nécessaire : celui-ci dira au marcheur comment il doit se vêtir (la température oscille entre 6 et 11 °C), quel type de nourriture il faut emporter et quelle partie du chemin répondra le mieux à ses désirs. La première partie du voyage va du village d'Achupallas, dans la province du Chimborazo, tout près d'Alausí, jusqu'à Ingapirca, dans la province de Cañar via les ruines de Coyoctor. On passe ensuite par Cojitambo avant d'arriver dans la province de l'Azuay. Le voyageur qui n'est pas préparé à passer la nuit en altitude mais qui s'intéresse à l'archéologie pourra partir du lac de Culebrillas et parcourir les 20 km qui le séparent d'Ingapirca à pied ou à cheval. Outre les ruines incas, il pourra admirer toute la beauté de la nature environnante, notamment les impressionnantes cascades. Conscient de l'importance archéologique des ouvrages incas, le conseil provincial du Chimborazo [province du centre de l'Equateur dont la capitale est Riobamba] a instauré le projet "Route de l'Inca", dont l'exécution a été confiée il y a deux ans à cinq étudiants en écotourisme et en archéologie de l'Ecole supérieure polytechnique du Chimborazo. Avant l'Equateur, le Pérou s'était déjà lancé dans une entreprise similaire : la consigne est que les pays qui ont hérité du Chemin de l'Inca se doivent de le restaurer.

Site d'Ingapirca, Equateur


Le réseau routier inca s'est développé au fur et à mesure que l'Empire s'étendait. Son but était de permettre l'établissement de relations commerciales entre les populations. Les voies mesuraient jusqu'à 3 mètres de large et s'adaptaient à la géographie de la zone qu'elles traversaient. Elles étaient faites de blocs de pierre, encore visibles aujourd'hui, maintenus par un mélange d'argile, de graviers et de plâtre qui remplissait la même fonction que le ciment utilisé à l'heure actuelle dans la construction. Aujourd'hui, le touriste marchant sur les traces des Incas ne trouvera pas de chemin parfaitement délimité : la plupart des pierres sont cachées par l'orejuela (Alchemilla orbiculata), ce tapis végétal caractéristique du haut plateau andin. Mais le tracé des anciennes voies, qui apparaît à la surface du sol, montre clairement qu'elles avaient été construites dans le but de contrôler les vallées et les rivières qui fécondent la région.

Les ruines du Coyoctor, que l’on désigne communément sous le nom de “bains de l’Inca”.


Le premier archéologue à emprunter le Chemin de l'Inca a été un chroniqueur espagnol, Cieza de León, qui a effectué la traversée Cuzco - Quito en presque dix ans pour étudier en détail les pratiques des habitants de ces contrées et leurs secrets. "Je ne m'explique pas comment ils ont pu faire des chemins aussi grands et aussi magnifiques, ni avec quels outils ils ont réussi à aplanir les montagnes et briser les rochers", s'étonne-t-il. Le père Juan de Velasco, le plus ancien narrateur de l'histoire équatorienne, affirme quant à lui que le lac de Culebrillas était un lieu sacré pour les Incas et qu'il recèle un complexe archéologique qui n'a pas encore été exploité.

Le lac sacré de Culebrillas sur le chemin d’Ingapirca.


Tous les 5 kilomètres, le long du chemin, se dressent des petites constructions, les tambos, sorte d'auberges royales où les chasquis [les infatigables coureurs] se reposaient et remettaient les messages au coureur suivant. Les tambos situés tous les 20 kilomètres sont plus importants, leurs ruines sont notamment visibles entre Achupallas et Ingapirca. Selon Antonio Carrillo, un archéologue de la province de Cañar, ex-directeur de l'Institut du patrimoine de l'Austro, qui a fait l'inventaire des sites archéologiques de la région, aucun n'a été correctement restauré - à l'exception d'Ingapirca - parce qu'il n'existe pas de politique gouvernementale destinée à promouvoir ce type de tourisme. "Les Equatoriens ne savent pas ce qu'ils possèdent, ni ce qu'ils ont été par le passé", affirme-t-il. Les possibilités touristiques sont donc nombreuses, mais elles ne sont pas encore exploitées. Par exemple, les ruines du Coyoctor, à 3 kilomètres d'El Tambo, au pied du mont Yanacuri, forment un site de 50 hectares lié à Ingapirca et témoignent de la présence des Incas dans la province de Cañar. Le lieu est accessible par un chemin carrossable, et l'on y voit très bien comment les Indiens ont sculpté la roche pour réaliser ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de "bains de l'Inca". Ce site archéologique, dont les terrains appartiennent à la famille Carrasco, est en cours de restauration à l'heure actuelle. Il avait été détruit en 1964 lorsque les propriétaires décidèrent d'y construire deux maisons.

A 4 000 mètres d’altitude, un tambo, ancienne auberge qui servait de relais aux messagers de l’Inca.


A l'ouest d'Azogue se trouvent les ruines de Cojitambo, perchées sur une colline où, d'après les historiens, se réfugiait Tupac Yupanqui, l'instigateur de la politique de conquête de l'Empire, lorsqu'il était poursuivi par les Cañaris. La grande place où avaient lieu les cérémonies religieuses est encore visible. Aucun budget n'a été prévu pour entretenir les ruines, mais Antonio Carrillo a réalisé une étude topographique de l'endroit, et la restauration du mur de soutènement a été entamée. M. Carrillo a formé un groupe d'Indiens pour remettre en état cette construction inca adossée à la roche, et des pièces de la culture indienne ont été trouvées au cours des travaux de terrassement et de débroussaillage. Les provinces du Chimborazo, de Cañar et de l'Azuay sont riches en Histoire et en vestiges du passé. Il est urgent de les inclure dans un projet global de sauvegarde et de développement social et touristique qui permettra de les restaurer et de mettre en place une signalisation, ainsi que des voies d'accès, pour les transformer en source de revenus pour les populations locales. Aujourd'hui, plus de cinq siècles après leur création, il est possible de parcourir les mêmes chemins que les Incas et de s'émerveiller de l'ingéniosité et du courage de ce peuple qui a bâti l'un des plus grands Empires d'Amérique.

Mariana Romero
Vistazo

Carnet de route
Y ALLER:
De nombreuses compagnies desservent les aéroports de Quito et de Guayaquil, mais aucune d’entre elles ne propose de vol direct depuis la France. Il faut donc prévoir une escale ou une correspondance aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou dans les Caraïbes. Air France propose ainsi un vol Paris – Quito via Cayenne à partir de 700 euros aller-retour en basse saison.

SE LOGER:
L’Equateur est l’un des pays les moins chers d’Amérique latine. D’une année à l’autre, les prix des transports, des hôtels et des restaurants varient à la hausse ou à la baisse dans des proportions importantes (jusqu’à 50 %). Il faut compter en moyenne entre 3 et 14 euros en catégorie “économique” et entre 15 et 50 euros pour un hôtel tout confort.

SE RESTAURER:
Quelques spécialités équatoriennes à ne pas rater : les caldos, soupes copieuses ou ragoûts, le cuy(cochon d’Inde) et le lechón(cochon de lait) grillés, et les llapingachos(crêpes de pommes de terre et de fromage). Sur la côte, la spécialité est le ceviche, une préparation à base de poisson ou de crevettes, marinée dans du jus de citron, de l’ail, de l’oignon, des piments et de la coriandre. De nombreux jus de fruits frais sont excellents, notamment celui de "tomate de arbol", mais la boisson traditionnelle reste la chicha, une bière de maïs. Un repas coûte 1 euro au minimum, de 5 à 28 euros dans un restaurant standard, et plus de 28 euros dans un établissement chic.

À VOIR:
Troisième ville du pays, fondée en 1557 par les Espagnols, Cuenca, classée au Patrimoine culturel de l’humanité par l’UNESCO, est l’une des plus jolies villes du pays. Au cœur de la ville, le quartier colonial, avec ses maisons, ses églises et ses places ombragées qui donnent un charme particulier au lieu. La fabrication des panamas – les chapeaux traditionnels tissés à la main – a assuré la prospérité de la communauté indienne locale, dont les femmes portent de superbes jupes en velours brodé. A 50 kilomètres au nord de Cuenca se trouvent les ruines d’Ingapirca, le site précolombien le mieux conservé d’Equateur. L’arrivée au lever du soleil, par le Chemin de l’Inca, après trois jours de randonnée vaut le voyage. Au cœur du site, le temple du Soleil et les observatoires solaires sont riches en informations sur la culture inca. Dans les environs, le site du lac de Culebrillas, où il est possible de pratiquer la chasse et la pêche. C’est aussi dans la région que se trouve le plus haut sommet d’Equateur, le Chimborazo, qui culmine à 6 310 mètres d’altitude au nord de Riobamba. Si son ascension est réservée aux alpinistes chevronnés, tout le monde peut avoir accès à la réserve naturelle, qui accueille une faune exceptionnelle. Alpagas, lamas et vigognes se partagent ce magnifique territoire. Sur le chemin du retour, ne pas manquer l’inoubliable voyage en train d’Alausí à Guayaquil, qui passe par le célèbre Nez du diable, où le convoi semble suspendu entre ciel et terre, à une hauteur vertigineuse.

EQUATEUR - La culture industrialisée des fleurs : ce qui se cache derrière une rose

mercredi 1er mars 2006

La floriculture est une source importante d’emplois et de revenus pour la population équatorienne. Il n’en reste pas moins que les conditions de travail et de salaire y sont difficiles, peu respectueuses des normes reconnues par l’Organisation internationales du travail. Il faut rajouter à cela une nuisance écologique sérieuse.

« N’achètes pas des fleurs, c’est acheter de la mort »
« Oui au travail dans la dignité »
« Pour les travailleurs, les épines, et pour les patrons, les dollars… »

Des cris qui ont retenti avec force autour de l’aéroport Maréchal Sucre de Quito, en Equateur. Une centaine de travailleurs et travailleuses de l’entreprise Rosal del Ecuador, en grève depuis 3 ans, avec l’appui de la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes d’Equateur) et de l’ONG autrichienne Swedwind-ConAccion ont manifesté le 7 février passé, dans les hangars où les entreprises « embarquent » les fleurs à destination de l’Europe et des Etats-Unis. Des actions semblables ont eu lieu à Vienne, en Autriche, sur les lieux de distribution des fleurs en provenance d’Amérique latine.

Au moment où l’on approche de la Saint-Valentin, date à laquelle les fleurs représentent le cadeau le plus courant, le but de ces manifestations est d’attirer l’attention sur un ensemble de problèmes, généralement occultés ou très peu abordés : les difficiles conditions, à la fois professionnelles, sanitaires et sociales, des travailleurs et travailleuses de la floriculture industrialisée en Equateur. Il s’agit en même temps de proposer quelques solutions.

Un des appels à manifestation a été lancé par Christina Schoroeder qui appartient à Swedwind-ConAccion, une association autrichienne qui depuis 25 ans travaille activement « en faveur d’un développement global et durable ». Christina dit : « Notre tâche consiste à informer les consommateurs européens de ce qui se cache derrière une rose que l’on achète pour le plaisir de la personne à qui on l’offre… à travers ce travail d’information nous voulons que le consommateur européen ne s’attache pas uniquement au prix et à la qualité mais aussi aux conditions de travail dans la floriculture. » Elle précise que son intention n’est pas de boycotter la floriculture industrialisée équatorienne « car nous savons l’importance qu’elle a et qu’elle est génératrice de travail dans un contexte où les gens en trouvent difficilement. Nous savons que c’est pour beaucoup leur source principale de revenus et, cela, nous ne voulons pas le détruire, mais nous exigeons que cette production se fasse dans le respect des règles internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du Code international de conduite dans la production de fleurs coupées pour l’exportation. Ce code, établi par des syndicats et des ONG européennes, renferme quelques règles relatives à la liberté d’association et à la négociation collective, à l’égalité de traitement des hommes et des femmes dans le travail, à des salaires dignes, à des journées de travail qui respectent les normes légales, à l’hygiène et la sécurité, à la non-utilisation de produits chimiques, à la stabilité de l’emploi, la protection de l’environnement, le non-recours au travail des enfants et au travail forcé. Ce code, enfin, propose quelques réformes pour parvenir à une production respectueuse du social, responsable au regard de l’environnement et qui ne soit pas source de dommages pour les travailleurs. »

Cet instrument international à caractère volontariste est très loin d’être appliqué en Equateur. Des 400 entreprises de production florale, 80% « ne respectent pas, dans des proportions dramatiques, les codes internationaux relatifs aux comportements dans les domaines social, professionnel et écologique » a indiqué le Dr Jaime Breilth qui appartient au Centre d’études et de suivi des problèmes de santé (CEAS).

Bas salaires et interdiction de s’organiser
En matière d’appointements et salaires, les entreprises, en majorité, payent le minimum vital et certaines, parfois, même moins lorsqu’il s’agit de personnes mineures. De toute évidence les revenus des employés à la production florale sont insuffisants pour vivre dignement puisque le salaire minimum est de 160 dollars alors que le panier de base pour une famille de 4 personnes est de 440,81 dollars, selon l’Institut national des statistiques.

A l’existence de bas salaires il faut ajouter le fait que « le travail se fait à la tâche, grâce à quoi le paiement d’heures supplémentaires est limité. Au-delà de 8 heures par jour il n’y a pas d’heures supplémentaires, les périodes travaillées sont ainsi allongées au-delà de 8 heures par jour et de 5 jours par semaine, dans l’ignorance de ce qu’indique le Code du travail, soit deux jours de repos consécutifs », fait remarquer l’économiste démographe Norma Mena Pozo.
Le droit à la liberté d’association a été pratiquement réduit à zéro dans les entreprises de production florale. « En Equateur en 2003, sur les 400 entreprises 4 disposaient d’un syndicat, actuellement le syndicat continue à exister dans 2 entreprises et Rosal del Ecuador est en grève depuis presque trois ans. L’an dernier 37 travailleurs ont été licenciés parce qu’ils ont voulu s’organiser » ajoute l’économiste Mena.

Avec l’adoption de la Loi du travail partagé, la sous-traitance est en train de se généraliser, et les entreprises sous-traitantes dans ce secteur ne respectent pas la législation du travail et refusent aux travailleurs le droit à la Sécurité sociale et à d’autres avantages légaux.

Blanca Chancoso, membre du collectif de campagne contre l’ALCA et le Traité de libre-échange, indique que « dans la floriculture on commet des injustices à l’égard des femmes en ne respectant ni le code du travail ni le code de l’enfance (partie concernant les maternités) en ce qui concerne les congés et les heures au titre de l’allaitement. Les femmes enceintes, au même titre que tous les autres, signent une renonciation au moment de l’embauche et n’ont qu’une semaine pour accoucher. »

Mort lente
Jaime Breilth, qui mène sur le terrain des recherches sur la floriculture industrialisée et la santé, montre que, « le fait que la production est centrée sur le commerce et la rentabilité sans prise en compte des aspects sociaux, provoque un véritable effet domino sur une série de situations humaines, sociales et sanitaires ». Parmi les problèmes de santé et d’environnement il relève les suivants :

Un des principaux est « une toxicité chronique dissimulée et meurtrière » c’est-à-dire que le fait d’être exposé faiblement mais de façon chronique à des produits chimiques provoque chez les travailleurs et les travailleuses des effets neurologiques et sur la moelle osseuse, sur le foie et les reins. Ceci porte atteinte à la stabilité génétique et, par le biais des dommages génétiques, peut provoquer cancer ou malformations congénitales.

Six travailleurs sur dix ont des problèmes de santé avec, pour effet aggravant, le fait que beaucoup ne le savent même pas. « Le danger c’est que lorsque existent des problèmes de ce genre les gens ne s’alarment pas et n’ont pas peur car ils pensent que ça ne les touche pas. A moyen terme, cela se terminera par un cancer ou une incapacité sévère à caractère neurologique : des travailleurs de 40 ans qui ont notablement perdu de leur capacité de mémorisation et les fonctions neurologiques supérieures avec transmission possible aux générations futures. »

Une pollution des eaux de surface et de la chaîne alimentaire.
« Dans une étude que nous avons réalisée nous avons mis en évidence douze cas concernant les systèmes hydrauliques de Cayambe et Tabacundo - deux bourgades situées au nord de l’Equateur - qui subissent une pollution des eaux de surface avec des conséquences sur les cultures, les animaux, le lait des vaches et la chaîne alimentaire. »
une forte consommation d’eau par la floriculture industrialisée. « Par exemple un hectare dans la floriculture consomme plus de 900 mètres cubes par mois, une propriété traditionnelle entre 5 et 6 mètres cubes et un petit propriétaire moins d’un mètre cube par mois. »

La production florale, dans les conditions actuelles, est injuste au plan social et destructrice au plan écologique. Bien qu’il faille reconnaître que « 15 à 18% des producteurs font actuellement un effort de respect du Code vert notre lutte vise à obtenir que l’Etat transforme ce code en loi pour qu’aucune industrie ne puisse la violer », indique Jaime Breilth qui ajoute que « l’effort aboutira quand la floriculture sera démocratique et coopérative et non propriété du grand capital. »

Article de Eduardo Tamayo G., paru dans ALAI, America Latina en Movimiento, 8 février 2006, et piblié sur le site du DIAL

ÉQUATEUR • L'eldorado dans les champs de fleurs


Courrier International n° 370 - 4 déc. 1997

Dans la province de Pichincha, les plantations attirent des ouvriers de tout le pays. Les fleurs ont fini par bouleverser la vie tranquille des villages andins.

Une mère avec ses quatre enfants a abandonné son foyer sur la côte équatorienne pour chercher l'eldorado dans le pétale d'une fleur. Elle est montée à 2 900 mètres d'altitude, jusqu'aux cantons de Pedro Moncayo et de Cayambe, province de Pichincha. Situés à quelques kilomètres l'un de l'autre, les deux cantons ne paraissent guère éloignés lorsqu'on est en voiture. Ces kilomètres, elle les a parcourus à pied, sous un soleil de plomb. Elle n'a pas trouvé de travail dans les plantations. Après plusieurs jours de marche et affamée, elle s'est vu confier l'entretien d'une villa à Cayambe. Ravie, elle est entrée, elle a vu les chiens de race et, profitant de l'absence de leur maître, elle en a attrapé un, l'a tué, puis l'a mangé avec ses enfants. Macabre histoire que cette femme a racontée à un policier. "Je ne sais pas si elle a dit vrai. Au début, elle avait l'intention de voler le chien pour le vendre et en tirer un peu d'argent pour manger." Elle aura choisi la voie de la facilité.

Dans les plantations de fleurs comme dans la vie, il n'y a pas de rose sans épines. Installées pour la plupart dans la province de Pichincha, à partir de 1984, ces plantations ont bouleversé la vie de villages peu peuplés, où les gens sont traditionnellement taciturnes, lents comme un yaraví [chant quechua]. Vers 1990, les plantations ont pris un essor considérable. Cette année-là, Tabacundo, chef-lieu de canton de Pedro Moncayo, comptait 12 000 habitants et le canton de Cayambe 30 000. En sept ans, le premier est passé à 25 000 et le second à 55 000.


Au début, si l'on en croit Antonio Toledo, principal actionnaire de l'entreprise Calos, la main-d'oeuvre colombienne était importante, la Colombie ayant trente ans d'expérience dans ce type de culture. "Mais les Equatoriens sont débrouillards, ils apprennent vite." Petit à petit, les autochtones ont pris leurs places, et il est resté très peu de Colombiens, des techniciens pour la plupart. La main-d'oeuvre initiale a été constituée par les habitants de la région, qui considéraient comme une bénédiction le fait que leurs femmes travaillent et augmentent le revenu familial. Mais, avec le temps, la situation s'est envenimée : les autochtones se sont plaints de la pollution, d'être surexploités. Tantôt debout, tantôt accroupis, ils inhalent des produits chimiques, se piquent les doigts, travaillant à un rythme soutenu de 7 heures du matin à 3 heures de l'après-midi, y compris une demi-journée le samedi ou le dimanche. Sans compter qu'on leur impose parfois des heures supplémentaires. Dans ce pays à fort taux de chômage, où les débouchés sont rares, l'espace laissé par les mécontents a eu tôt fait d'être occupé par des travailleurs originaires d'autres régions.

"Certains ont même voulu installer une maison de passe"
Pichincha est la province-jardin qui compte près de 70 % des cultures équatoriennes. "Dans cette zone, il n'y a pas de chômage, mais au contraire une offre d'emploi supérieure à la demande", affirme le maire de Cayambe, Fausto Jarrín. Les salaires des ouvriers sont les plus élevés du secteur agricole. Et, pourtant, cet argent leur file entre les doigts, le coût de la vie à Tabacundo, et plus encore à Cayambe, ayant augmenté au même rythme que celui des fleurs. Auparavant, Cayambe vivait de l'industrie laitière, des moulins et du tourisme. Avec l'essor de la floriculture, c'est devenu une destination privilégiée pour les migrants, et l'économie locale s'en est trouvée dynamisée. Ne serait-ce que sur la route Panaméricaine et sur l'avenue principale, on dénombre vingt restaurants et trois auberges, qui proposent de la bonne viande, des biscuits, du fromage et des truites. La ville possède des grands magasins, et les vendeurs ambulants sont légion. Presque toutes les banques, les sociétés financières et mutualistes s'y sont implantées. Le bâtiment est prospère. La circulation est extrêmement dense. Pour leurs loisirs, les jeunes floriculteurs ont le choix entre six discothèques et diverses animations permanentes. A Tabacundo, un motel a fait planer un temps le spectre du péché sur des villages qui rejettent le commerce du sexe. "Certains ont voulu installer une maison de passe à l'entrée de Cayambe, mais un groupe de grenouilles de bénitier, accompagnées de monsieur le curé, a chassé ces demoiselles et brûlé le local", raconte Iván Barrera, chef du département de Défense de l'environnement, d'Hygiène et de Salubrité de la municipalité de Cayambe. L'année dernière a vu une autre tentative d'implantation à Santa Clara, mais les responsables ont été expulsés par la communauté indigène voisine. Il y aurait une prostitution clandestine, mais personne n'ose la dénoncer. A Tabacundo, une discothèque s'est ouverte. Criant au scandale, les voisins ont fini par y apposer des chaînes et des cadenas, et le commissaire a dû fermer l'établissement. Cette ville a été moins absorbée par le développement floricole.

A l'instar de son milieu, l'homme a changé. Les pères de famille montagnards sont économes, contrairement aux jeunes et aux migrants de la côte, qui aiment faire la fête, écouter de la musique à plein volume, porter des jeans et des chaussures de sport. A Pedro Moncayo, le délit le plus important est le vol de bétail. On enregistre aussi des plaintes pour violences conjugales liées à l'alcoolisme. A Cayambe, la délinquance est désormais celle d'une ville développée : agressions dans les rues, cambriolages, bandes de jeunes. Pour rester fidèle à la tradition, le taux de vol de bétail se maintient à un niveau élevé.

Ainsi va la vie dans les cantons autrefois tranquilles de Tabacundo et de Cayambe.

Mariana Neira
Vistazo




L'Equateur rompt ses relations diplomatiques avec la Colombie

4 mars 2008

Le président équatorien Rafael Correa a annoncé la rupture immédiate des relations diplomatiques de son pays avec la Colombie. Cette annonce fait suite à l'opération conduite par l'armée colombienne en territoire équatorien le 2 mars dernier. Elle s'était soldée par la mort de Raúl Reyes, le numéro deux des FARC. Le président Correa a par ailleurs expliqué que son gouvernement était en train de négocier avec Raúl Reyes la libération de plusieurs otages, dont Ingrid Betancourt.

COLOMBIE • Sommes-nous l'Israël de la région ?

3 mars 2008

L'élimination du numéro deux des Farc, Raúl Reyes, par l'armée colombienne a provoqué une grave escalade de la tension entre la Colombie et ses voisins, le Venezuela et l'Equateur. Une éditorialiste du journal El Tiempo s'interroge sur les méthodes du président Uribe et sur l'avenir du pays.

Raúl Reyes, le défunt porte-parole de la guerilla des FarcAFP


Soyons clairs : jusqu'à vendredi dernier, affirmer que la guérilla des FARC était exsangue relevait davantage de la propagande officielle que de la réalité. Une guérilla dont la tête n'était pas encore tombée ne pouvait être agonisante. Pourtant, avec la mort de Raúl Reyes, la donne a changé : on peut aujourd'hui affirmer que les FARC sont sérieusement éprouvées et peut-être très proches de leur fin.

Il ne doit pas être facile pour les membres du Secrétariat de voir à quel point la mort de leur numéro deux a été accueilli avec soulagement et ravissement par la plupart des Colombiens. "Un de moins", voilà ce que j'ai pu entendre un peu partout. Non seulement personne ne regrette Raúl Reyes, mais l'atmosphère dans les rues de Colombie n'est pas sans rappeler la mort de Pablo Escobar.

Tant d'années d'exactions, de mines fabriquées maison et d'enlèvements ont fini par transformer les FARC en une guérilla honnie par l'ensemble du pays, toutes classes confondues : propriétaires terriens et déplacés ; riches et pauvres. Pour de nombreuses raisons, Uribe jouit d'un soutien inconditionnel de la population dans sa guerre contre les FARC. Personne ne peut le nier, pas même ses opposants.

C'est la bonne nouvelle. La mauvaise, c'est que cette opinion colombienne, aussi manipulable que dégradée en raison du conflit, ne se préoccupe pas de savoir si cette guerre a recours à des procédés douteux. Ainsi, vendredi dernier, l'opération commando contre Reyes a été lancée tout en sachant sciemment que ce dernier se trouvait en territoire équatorien. La réaction du gouvernement voisin ne s'est pas fait attendre. L'opération a été considérée comme une agression par le président Correa, qui a rappelé son ambassadeur et a traité son homologue Uribe de menteur pour lui avoir présenté une version maquillée des faits. Et, comme si cela ne suffisait pas, le président Chávez en a profité pour jeter de l'huile sur le feu en fermant son ambassade en Colombie et en se mettant sur le pied de guerre à la frontière. La majorité des Colombiens n'en ont cure et sont persuadés que, dans la guerre contre les FARC, la fin justifie les moyens.

Pourtant, nous sommes quelques-uns uns à penser différemment. Frapper les FARC est une chose, mais devenir l'Israël de la région en est une autre, d'autant plus que la problématique est loin d'être la même. Une telle audace pourrait nous coûter très cher. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le gouvernement du président Uribe réalise ce type d'opération inspiré des raids israéliens.

L'autre danger qui menace la démocratie colombienne est plus difficile à contourner. Il est intimement lié à cette thèse de plus en plus partagée dans le pays qui veut que la chute des FARC passe forcément par la réélection du président Uribe, seul capable d'accomplir un pareil exploit. Le jour de la mort de Raúl Reyes, dans les rues, les centres commerciaux et les associations, les partisans de la réélection d'Uribe sont sortis récolter des voix dans l'intention de capitaliser cet élan. Vous allez me dire que je suis un rabat-joie, qu'ils se contentaient de fêter l'événement. Mais, si nous lions la lutte contre les FARC à la permanence au pouvoir du président Uribe, non seulement nous continuerons à amoindrir les institutions de ce pays, déjà suffisamment chancelantes, mais la reconduction d'Uribe à la tête du pays serait un blanc-seing pour de nouvelles violences. Les FARC vont probablement disparaître, mais notre Etat de droit les suivra dans la tombe.

Editorial de María Jimena Duzán
El Tiempo

L'Equateur parle d'un "massacre" colombien sur son territoire

3 mars 2008

"Il s'agit d'une attaque aérienne planifiée. L'armée colombienne a pénétré en territoire équatorien en sachant parfaitement qu'elle violait notre souveraineté." Dans ses premières déclarations, le président équatorien Rafael Correa s'est montré très dur envers Bogotá, accusé d'avoir organisé "un massacre" et d'avoir violé le territoire de son pays "sur une profondeur de plus de 10 kilomètres" pour pourchasser et abattre le numéro deux des FARC, Raúl Reyes. L'Equateur a décidé de rappeler son ambassadeur.
HOY - Equateur

La Colombie accuse l'Equateur de soutenir les FARC

3 mars 2008

Le ton monte entre les deux pays voisins après l'opération de l'armée colombienne en territoire équatorien, le 2 mars, qui a abouti à la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes. Bogotá affirme avoir trouvé sur place trois ordinateurs dont l'examen prouverait de façon "indubitable" les liens entre les FARC et le gouvernement équatorien. Selon ces documents, le président Rafael Correa aurait chargé son ministre de l'Intérieur, Gustavo Larrea, d'établir des contacts avec la guérilla.


Rafael Correa, Président de l'Equateur

EL TIEMPO

La Colombie accuse l'Equateur de soutenir les FARC

3 mars 2008

Le ton monte entre les deux pays voisins après l'opération de l'armée colombienne en territoire équatorien, le 2 mars, qui a abouti à la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes. Bogotá affirme avoir trouvé sur place trois ordinateurs dont l'examen prouverait de façon "indubitable" les liens entre les FARC et le gouvernement équatorien. Selon ces documents, le président Rafael Correa aurait chargé son ministre de l'Intérieur, Gustavo Larrea, d'établir des contacts avec la guérilla.

EL TIEMPO

En Equateur, le volcan Tungurahua "rugit et fait peur"

8 févr. 2008

Le volcan Tungurahua, situé sur la cordillère des Andes, connaît depuis janvier un regain d'activité. Le 6 février, une première éruption a déjà conduit à l'évacuation de 1 500 personnes. L'accalmie relative observée le jour suivant risque de ne pas durer. Des vulcanologues interrogés par le quotidien de Quito mettent en garde : "Le calme apparent du colosse laisse soupçonner que quelque chose de plus grande ampleur se prépare."

Les titres - Hoy - Equateur

Au village des vieux vaillants

21 janvier 2008

Vilcabamba, dans le sud de l'Equateur, héberge un nombre inhabituel de centenaires et de nonagénaires. Le quotidien espagnol El País est allé sur place pour tenter de percer le secret de cette exceptionnelle longévité.

De Vilcabamba (Equateur) "Quand je suis née ? Euh… il y a pas mal d'années", répond María Saca, une gentille vieille dame aux yeux voilés, assise dans une boutique de téléphones. Elle ajoute qu'elle ne se rappelle pas la date, mais qu'elle est très vieille. Il est presque onze heures du matin sur la grande place de Vilcabamba, un village de la province équatorienne de Loja, situé dans une cuvette andine, à 1 565 mètres d'altitude. Dans les années 1970, Vilcabamba s'est hissé au rang de mythe, grâce entre autres à un article du National Geographic, par la longévité de sa population. Cette particularité a attiré sur place des hippies et des célébrités en quête du secret de la vie éternelle ; aujourd'hui, le bourg est devenu une destination touristique de choix.

Víctor Burneo, un quasi-centenaire très alerte, vient d'entrer dans l'église principale. Ses 92 ans se devinent à peine. Il a la peau très blanche, la démarche lente mais cadencée. L'âge réel des habitants de Vilcabamba a toujours été controversé. On parle notamment de José David Toledo, qui aurait vécu 140 ans, et de Miguel Carpio, mort à 136 ans.

Les deux hommes seraient décédés dans les années 1960, juste avant que ce lieu n'acquière une renommée mondiale. "Moi, j'ai déjà vécu un siècle", assure José Medina, qui dit avoir 102 ans. Des médecins et des scientifiques étudient depuis une quarantaine d'années les conditions qui peuvent expliquer une telle longévité. Le Japonais Kokichi Otani s'est particulièrement intéressé à l'eau du village, riche de 22 minéraux. Provenant de plusieurs petites rivières (Yambala, Capamaco et Chamba) et du sous-sol, cette eau recèle du potassium, du calcium, du fer, du sodium, et surtout du magnésium, un élément minéral qui joue un rôle très important dans la prévention de l'artériosclérose. Un régime pauvre en viande – le plat typique de la région est le repe, une soupe au lait avec des haricots rouges, de la banane et autres végétaux –, l'activité physique permanente dans l'agriculture et surtout le climat joueraient un rôle dans cette longévité exceptionnelle. En effet, à Vilcabamba, les températures sont agréables, elles varient peu (entre 18 et 24 °C toute l'année) et il n'y a ni fortes pluies ni gelées.

Les recherches scientifiques ont commencé à changer la vie du village. On raconte ici l'histoire d'une scientifique allemande qui a réussi à avoir une relation sexuelle avec Manuel Pardo, 95 ans, dans le cadre de son expérience. A force d'être un sujet d'observation, Vilcabamba ne vit plus au même biorythme culturel qu'autrefois. On ne peut pas parler d'invasion – on compte environ 200 étrangers pour 3 200 habitants –, mais le village est tout de même devenu une attraction touristique importante. Dans ses rues, dans ses faubourgs, on trouve des hôtels, des pensions, des restaurants aux menus diversifiés – et bien sûr des cybercafés. Víctor Burneo, le nonagénaire qui entrait dans l'église, n'est pas gêné, dit-il, par la présence d'étrangers, venus pour la plupart des Etats-Unis, mais aussi d'Allemagne, d'Italie, de Nouvelle-Zélande, du Mexique ou de France (mais pas un seul Espagnol). Certes, il y a bien eu quelques poussées de xénophobie, mais elles ont été de courte durée, assure Christian Mansilla, un Argentin de Córdoba qui travaille à l'auberge Madre Tierra.

Le village compte une ou deux discothèques : l'une d'entre elles annonce, au milieu de la place, une fête prochaine. Toute une faune new age ou hippie se donne rendez-vous à Vilcabamba dans une joyeuse ambiance. Mais, tandis que la modernité s'impose, les plus de 100 ans se font moins nombreux. "Il en est mort plusieurs d'un seul coup", explique un chauffeur de taxi. Il n'empêche qu'on voit dans le village beaucoup de gens de 80 ou 90 ans qui semblent se porter comme des charmes. C'est le cas de Víctor Burneo, de son ami Agustín Jaramillo, 96 ans, et de sa sœur, 85 ans.

Finalement, cela ne paraît pas si étonnant. Vilcabamba a beau ne pas être figé dans le passé, on y prend encore le temps de vivre. Mais toutes les nouveautés n'y sont pas les bienvenues. Ainsi, l'année dernière, les habitants se sont opposés à la concession d'une mine d'or au flanc de la colline qui domine le village. Elle a une forme étrange : les gens d'ici l'appellent Mandango, ce qui signifie "dieu couché".

Repères:
• L'humain le plus vieux du monde est de sexe féminin – l'Américaine Edna Parker, née le 20 avril 1893, détient le titre de doyenne de l'humanité depuis le décès, le 13 août dernier, de la Japonaise Yone Minagawa – celle-ci était née le 4 janvier 1893• Chez les hommes, le record est détenu par un Japonais, Tomoji Tanabe, né le 18 septembre 1895. Il affirme que sa longévité provient de son mode de vie sobre, sans tabac ni alcool, et d'une alimentation saine, pauvre en lipides et à base de végétaux. Il a succédé à Emiliano Mercado del Toro, originaire de Porto Rico, décédé en janvier 2007 à l'âge de 115 ans.
• Avec 28 395 centenaires recensés en septembre 2006, le Japon détient le record de longévité mondiale. • En 2000, le monde comptait 180 000 centenaires. En 2050, on estime qu'ils seront 3,2 millions.

Ramiro Escobar La Cruz
El País

lundi 3 mars 2008

Présentation des participants à l'atelier Equateur


Vous attendiez pour connaître les visages des membres de l'atelier Equateur mis en place au collège Fontenelle, et bien les voici! Découvrez à présent en exclusivité le premier message envoyé par les jeunes français au groupe d'apprentis équatoriens du centre Domingo Savio:

Hola !
Me llamo Léa, tengo trece anos. Tengo dos hermanas que se llaman Juliette y Axelle. Pratico gymnastica y bateria con un profesor . Me gustan dulces y animales. Tengo dos peces de colores. Voy al colegio a pie porque esta cerca de mi casa. Un gran abrazo, Léa.


Léa

Hola!
Me llamo Charlotte (Carlota), y tengo 14 años. Vivo en Francia. Me gusta dibujar, y jugar badminton, que es un tipo de tenis. Quiero mucho a los animales: tengo un perro, cinco gatos, un cuy y una tortuga. Para ir al colegio me levanto a las 7 de la mañana. Después voy al colegio en coche (me llevan) y después de las clases vuelvo a mi casa con mis amigas.
Luego meriendo, y hago mis deberes...


Charlotte

Hola , Me llamo Enylève. Tengo 13 anos. Soy rubia con ojos verdes. Tengo une hermana y un hermano más viejo que yo. Yo vivo en Ruan. Hago volley- ball. Me gusta ir al ciné y me gusta el rugby tambien ! Mis colores preferidos son el rojo y el azul. Me gusta tambien escuchar musica y el deporte, pero no me gustan el fútbol y el tenis ! Tengo un perro negro y dos peces de colores como mascotas. Hasta luego, Enylève.

Enylève

Hola! Me llamo David, tengo trece años y medio. Practico rugby y natación pero prefiero el rugby! Tengo una hermana de 23 años, tiene una tortuga que se llama Loulou (Lulu). Me gustan también los perros. En Francia la gente suele tener mascotas en casa, perros o gatos! Me gusta mucho la música (rock y pop), ¿Conocéis a Mika? Hasta luego!


David


Hola! Me llamo Gaelle, tengo cartorce anos. Tengo un hermano y una hermana. Me gustan los caballos, por eso hago equitacion. Me gusta ir al cine y escuchar musica. Me gustan todos los colores. tengo un perro que se llama Vik. Lo he tenido en un refugio para animales abandonados. Tengo pris de tener vuestros mensajes! Hasta luego, Gaelle.

Gaelle

! Hola !
Me llamo Marie-Justine, tengo catorce años. Tengo un hermano que se llama Maxime. Pratico gymnastica y equitación con mis amigas, los caballos que monto se llaman Danseur, Rudy y Quiny. Me gustan mucho los animales. Tambien tengo un pez de color que se llama « Pirata » y una gata que se llama Friquette. Voy al cole a pie con mis amigos y amigas. Un gran abrazo, Marie-Justine.


Marie-Justine