samedi 10 novembre 2007

Un processus digne

En voyageant de Machachi à Conocoto, après avoir visité la ferme Fontana, Anna Postel, volontaire d’origine franco-suédoise partagea avec moi un repas de banane frite, fromage frais et “colada morada” (bouillie violette). Le visage rempli de satisfaction d’avoir découvert un tel mélange de saveurs, elle me confia son admiration pour notre pays et exprima dans le même temps ses opinions concernant sa venue et son travail avec les trente jeunes du Centre de Formation « Domingo Savio », appartenant à la Fondation « Don Bosco ». Elle commenta avec préoccupation et sens critique le caractère paternaliste et néocolonialiste émanant parfois de la vision de certains volontaires qui viennent donner leur temps et leur énergie dans les fondations. Je pense qu’il est urgent de réfléchir sur le rôle du volontariat dans sa volonté de participer du progrès social, sans exclusion. Toutes ces expressions qui affectent les visions de la société humaine se doivent d’être réévaluées.

Les mots se heurtent parfois avec violence au monde réel et il reste bien des raisons justifiant les réserves émises quant à la gestion des fondations, à certaines entités qui profitent de leurs ressources financières internes, externes, publiques et privées, ne laissant aux groupes bénéficiaires que le minimum justifiant leur existence aux yeux des donateurs.

Cependant, malgré une trace de scepticisme, je puis affirmer catégoriquement que « Domingo Savio » s’est engagé dans une nouvelle expérience le 2 juin de cette année : Dans l’école atelier, nous mettons en place grâce au concours du Père Pio Baschirotto, d’Enrico, de Maria-Angela, de Fausto, de Paul, et de tous les jeunes du centre, un processus digne. Les jeunes pensionnaires assument entièrement le défi que représente la prise de conscience de leur ETRE, et affrontent avec bravoure la construction de leur destin, sans charité déplacée. Nos élèves sont bien loin de se montrer nécessiteux, misérables, ou dépourvus de motivation. Bien au contraire, leur nature humaine vivace nous surprend lorsqu’ils font preuve d’attitudes hautement créatives, des talents innés, d’une fraîcheur de réflexion, et tout cela indépendamment des séquelles liées aux drames individuels vécus par ces jeunes : maltraitance au sein de leur famille ou du système scolaire classique, violence de la rue, du discours religieux apocalyptique…

Actuellement, certaines actions de formation convergeant vers le renforcement d’une structure psychologique émancipée, l’appropriation des technologies et l’acquisition d’une grande dextérité sont mises en place. Nous sommes convaincus de l’action gratifiante de l’effort de chacun sur le groupe, et inversement. Ce processus digne est appuyé par l’étude de thématiques actuelles et transcendantes qui nous servent à comprendre, interpréter et transformer la réalité qui nous entoure. Celles-ci sont encadrées par des professionnels nationaux et étrangers qui mènent à bien leur tache avec un engagement et une rigueur académiques. Des diplômés de l’Université San Fransisco, des étudiants l’Université PUCE et des élèves de dernière année de la British School de Quito ont eu l’opportunité de partager leurs savoirs de manière simple, sans complexes ou exclusions aberrantes.

Le fait que nos 26 élèves soient internes contribue au travail préventif constant et soutenu. Celui-ci se fonde sur des objectifs fixés et des évaluations permanentes de la part de toutes les personnes impliquées (dont le travail est discuté lors de séances ouvertes et transparentes où la critique et l’autocritique sont utilisées avec objectivité, et où nous développons une attitude d’ouverture, sans procrastination). Il est certain que nous n’avons pas encore atteint le rythme et l’habitude nécessaires pour que s’épuisent les procédés qui oxygènent nos projets. Les anachronismes de l’exercice bureaucratique ont néanmoins encore des effets nocifs qui prétendent couper court aux avancées significatives de ce processus digne.

L’appui institutionnel du Master en politiques publiques de l’Université Polytechnique Salésienne, les alliances concrètes avec le gouvernement local, l’administration de la Vallée « de los Chillos » ou encore le Centre Culturel de Conocoto nourrissent de sève quotidienne nos efforts afin de générer des services appropriés aux voisins de notre structure, et par dessus tout aux environements sociaux desquels sont issus nos jeunes.

Il nous reste néanmoins encore un long chemin à parcourir. Nous sommes les premiers à reconnaître que nous pouvons aller jusqu’à nous trahir nous-mêmes, à ne voir que ce que nous voulons... Nous savons que chacun peut se laisser aller à une subjectivité individualiste, à une fatigue improductive… Il y aura d’autres aspects imprévisibles qui tenteront de couper court au processus digne, en nous renvoyant vers un passé assisté, arbitraire ou dénué d’objectifs car nous savons qu’être originaux et engagés stimule, mais provoque et incommode tout autant les médiocres et les immobiles.

Cependant à cette étape, les excuses anticipées et le défaitisme ne tiennent pas ! Nous possédons la volonté humaine avec laquelle nous nous efforcerons d’atteindre notre rêve de faire du paradis terrestre une réalité. Aujourd’hui, grâce aux conditions objectives qui nous entourent et à une époque de changement auquel chacun peut prendre part, l’opportunité est excellente. Alors en avant !


Ramiro E. Mantilla V.
COORDINADOR
CENTRO de FORMACIÓN “DOMINGO SAVIO”
Dirección. González Suárez 805 y Los Arupos. Conocoto. DMQuito.
Teléfono/Fax: 02-2343654. 098334525 ramito53@hotmail.com

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