mardi 4 décembre 2007

Les Indiens aussi jouent au foot


Aussi vrai que l'Argentine est le pays du tango, l'Amérique du Sud toute entière est la patrie du foot. Je ne suis sûrement pas la mieux placée pour vous faire une chronique sur ce sport, que je suis personnellement très loin de porter aux nues, et c'est pourquoi je vais plutôt m'attacher à vous introduire au rôle social du football en Equateur.

Luis maquillé aux couleurs de l'Equateur lors d'un match contre le Pérou.

Savez-vous pour commencer où se trouve le plus grand stade de foot du monde? A Maracana, au Bresil. Inauguré le 16 juin 1950, il peut accueillir jusqu'à 155 000 personnes par match... Rappelons que le Stade de France, le plus grand de l'hexagone, fait pâle figure en comparaison avec seulement 80 000 places à offrir aux supporters... Le plus grand d'europe se trouve à Barcelone (Espagne), et affiche une capacité maximale de 98 934 places, peut mieux faire! On ne peut pas dire pour autant que tous les pays du continent sudaméricain soient renomés pour leurs équipes de foot et leurs performances à l'international, mais il n'en est pas moins que là où le foot soulève l'entrain de la population, voir au mieux son adhésion au concept en cas de victoires suivies de l'équipe de France, il provoque de véritables phénomènes d'hystérie collective et influence jusqu'au rythme de vie des latinoaméricains. Une petite vidéo pour vous faire une idée!


Le rapport avec l'objet de ce blog? Le foot faisant partie intégrante de la vie quotidienne de la plupart des équatoriens (majoritairement de la gent masculine, je vous le concède), il ne s'est pas arrêté à la grande porte du centre de formation pour apprentis Domingo Savio... Ainsi nos futurs menuisiers et ferroniers ont la possibilité d'échanger quelques balles sur la grande pelouse située entre les différents bâtiments du centre. Ceci n'est théoriquement qu'à but distractif, mais il s'avère que les jeunes ont récemment fait l'acquisition de maillots de foot flambant neufs, et qu'il va falloir les mouiller un peu... Les jeunes, sous la houlette de Don Ramiro, sont en train de monter une équipe dans le but de pouvoir affronter prochainement sur le terrain les équipes des collèges environnants. Vous trouverez donc dans ce message des photos de l'équipe Domingo Savio en plein effort!

L'article figurant à la suite est extrait de l'hebdomadaire Courrier International. Il aborde l'importance du foot pour les communaués indigènes de l'Equateur et son rôle social pour leurs membres, vivant isolés dans des zones difficiles d'accès. La plupart des jeunes apprentis sont issus de ces communautés, et on emporté avec eux la passion du ballon rond au centre Domingo Savio.


Courrier International n° 849 - 8 févr. 2007

A 3 830 MÈTRES AU-DESSUS DE LA MER ...

En Equateur, les villages de la cordillère n’ont souvent accès ni à l’eau ni à l’électricité. On y trouve parfois une école, mais plus sûrement un terrain de foot où les Indiens jouent le dimanche, après la messe.

Marco tourne à droite et klaxonne. Ce n’était pas la peine car les enfants arrivent déjà en dévalant la pente. Ils ont de grands yeux marron, des cheveux noirs, des joues rouges et sales, ils portent des bottes en caoutchouc. Un champ, situé à l’ouest de la cordillère, brille, doré, sous la lumière du soleil. Le vent, poursuivant son chemin, hurle. On n’aperçoit pas un seul poteau électrique. Les montagnes se succèdent à perte de vue. Le ciel est rempli de vautours. Il existe ici autant d’espèces de charognards qu’il y a de sortes de neige dans certains pays. Au loin, un mont surplombé par un gigantesque nuage de fumée sombre qui s’élève lentement dans le ciel semble atteindre la perfection. C’est un volcan et il sera bientôt en éruption. Les Indiens attendent impatiemment qu’il explose. La nuit, la montagne gronde ; le jour aussi probablement, mais on n’entend rien – à cause des conversations, des voitures, des bruits de la vie.


Nous sommes en Equateur, à 3 500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Pour un Européen, l’oxygène de l’air y est nettement insuffisant. C’est à se demander comment l’alpiniste Reinhold Messner a réussi à gravir le mont Everest, à 8 800 mètres d’altitude, sans bouteilles d’oxygène. Nous descendons de la voiture quelques instants et, tant que nous marchons, nous ne remarquons pas tellement le manque d’oxygène. Mais, dès que nous nous arrêtons, nous sommes à bout de souffle. Le chemin à parcourir pour regagner la voiture semble long. Nous nous laissons tomber sur les sièges en soufflant. Nous n’arrivons plus à nous concentrer, nos pensées partent dans tous les sens. Le moindre geste demande bien plus d’efforts que d’habitude, et, en même temps, les choses semblent tellement plus faciles. Nous sommes épuisés. Nous restons un moment assis dans la voiture à rire. Notre chauffeur, Marco, vit à Quito, à 2 800 mètres d’altitude. Il attend stoïquement, en silence, la fin de notre fou rire. Ce n’est pas la première fois qu’il conduit des visiteurs dans la région. Il a l’habitude. Mais des gens qui veulent monter jusqu’ici pour voir les Indiens jouer au foot, ça, il n’en a jamais vu.


Quilebamba, juin 2006Dirk Kruell/Laif-REA


Les Indiens aiment jouer au foot, même s’ils ne sont pas très bons. Ils jouent surtout le dimanche, après la messe, s’il ne pleut pas. Aujourd’hui, c’est dimanche. La messe est finie. Rosa se tient avec d’autres enfants au bord de la route. Elle a 11 ans. Pendant la semaine, après l’école, elle doit s’occuper de deux ânes et d’un mouton. Elle descend chercher de l’eau là-bas. Elle nous indique du doigt la direction. C’est loin, là-bas ? Un bon bout de chemin. Et l’école ? Là-bas derrière. De l’autre côté. Et elle est loin ? Heu, un peu aussi… Les écoliers de la commune de Maca-Grande apprennent deux langues : le quechua, la langue des Indiens, et l’espagnol, la langue officielle de l’Equateur. Julián Coloquinga, le père de Rosa, a 55 ans. Il a six enfants : deux garçons et quatre filles. María, qui a 18 ans, vient de se marier. Elle se cache derrière son foulard. Mais on peut voir ses oreilles rougir lorsqu’elle entend prononcer son nom. Julián Coloquinga cultive des pommes de terre, des oignons, des fèves et du seigle. Des 40 sacs de pommes de terre qu’il a récoltés, il en vend 35 et en garde 5 pour sa famille. Le plat des pauvres, c’est papas y papas, des patates avec des patates. Et les Coloquinga sont pauvres. Ils élèvent des moutons et des poules. María a aussi deux poussins. L’épouse de Julián apporte la récolte au marché de Pujili, une ville de quelque 2 000 habitants, ou à Zumbahua, ou encore à Latacunga. Elle y va à pied ? Bien sûr. Tu as vu une voiture quelque part ?


Aujourd’hui, c’est dimanche. Et que fait Julián Coloquinga le dimanche, pendant que sa femme est au marché ? Dans sa hutte, il n’y a ni radio, ni télé, ni livres, ni journaux. Non, ici, il n’y a pas de journaux. Ce n’est pas forcément lire qui poserait problème. Mais qui les apporterait ? On en trouve sur le marché de Pujili, mais ça n’intéresse pas Julián. Le dimanche, il se repose, explique-t-il. Il reste allongé dans sa hutte. Il boit un petit verre d’alcool de canne à sucre qu’il conserve dans un bidon bleu. Et les enfants, que font-ils ? Je ne sais pas. Est-ce que nous souhaitons voir l’intérieur de sa hutte ? Bien sûr. Nous entrons et regardons : on ne voit rien. L’obscurité n’est pas du tout la même que dans l’ouest de l’Europe. Elle est totale. Pas la moindre lumière de voiture, pas un lampadaire, pas un néon publicitaire. Rien, juste la nuit, même le jour. L’obscurité de cette hutte, construite il y a quinze ans, n’avait encore jamais été troublée. Jusqu’à ce que le photographe arrive avec sa lampe. Les Indiens et leurs hôtes regardent autour d’eux, intéressés. Elle ressemble donc à ça, cette hutte. Julián reste de marbre ; c’est sans doute exactement ainsi qu’il se l’imaginait. Le photographe éteint. Je me souviens seulement de la paille et des couvertures, et d’une odeur rance, comme si les personnes qui vivaient là se frottaient avec de la graisse – ou en utilisaient pour leurs cheveux, par exemple. Il y a également une forte odeur animale. Dix cobayes se baladent dans la hutte, les autres sont morts. Ici, et en particulier parmi les Indiens, les cobayes constituent un mets délicat : de la viande blanche, un peu comme celle de la volaille, mais avec des os. Ça sent aussi un peu le chien et le chat : dix chiens vivent ici. Des marmites et des poêles noires sont accrochées au mur. Le fond de l’une des poêles est recouvert d’une couche de graisse.


Lorsque la cuisinière à gaz est allumée, l’épouse de Julián voit un peu mieux ce qu’elle est en train de faire. Ses parents aussi ont habité ici. Et avant ? Elle ne répond pas. María s’est mariée parce qu’elle est tombée enceinte. Le père, Baltazar, est l’un des fils des voisins. Les oreilles de María deviennent écarlates lorsque le sujet est abordé. Les voisins, cela veut juste dire que l’on peut voir leur maison d’ici. María et Baltazar vont ensemble à l’école, il faut marcher longtemps pour y parvenir, deux bonnes heures. Ils sont à l’école de 8 heures à 17 heures. María doit donc se lever à 4 heures. Nous parlons à peine de Baltazar. Mais le voici qui arrive : il a les mains dans les poches et porte une veste épaisse. Son chapeau de velours, incliné sur la tête, lui donne un air effronté. Non, ils ne peuvent pas prendre le bus pour aller à l’école. Le trajet coûte trop cher, l’équivalent de 30 centimes d’euro. La population de l’Equateur est pauvre, surtout les Noirs et les Indiens. Sur les 4, 5 millions d’Indiens que compte le pays, 1,5 million vivent dans les montagnes, les autres dans les bidonvilles qui entourent la capitale, Quito, et Guayaquil. Ce sont les Incas qui sont venus les premiers. Ils ont tout détruit et ont assassiné les Indiens qui peuplaient alors le pays. Peu après sont arrivés les Espagnols. Ils ont aussi tout saccagé et ont assassiné les Incas. Depuis cette époque, les Indiens forment les couches les plus pauvres de la société équatorienne. Ceux qui vivent dans la forêt pluviale sont menacés par la surexploitation du bois, ceux qui vivent dans la forêt primaire par les activités d’exploitation pétrolière que mènent les Etats-Unis. Dans ces régions, des enfants naissent handicapés parce que les Etats-Unis ne respectent pas les clauses des contrats sur la protection de l’environnement. Les Indiens de la forêt pluviale sont tellement révoltés qu’il y a quelques semaines ils ont assassiné deux gringos [nom péjoratif donné aux Américains dans tout le continent latino-américain] qui coupaient des arbres. Ils les ont tués comme l’auraient fait leurs ancêtres, avec des flèches empoisonnées.


Pour devenir riches, les Noirs ont le foot. On ne voit pratiquement jamais de médecins, d’avocats, d’enseignants ou de professeurs d’université noirs. Mais les Indiens, eux, n’ont même pas le foot. Huit ou neuf personnes vivent dans la hutte de Julián Coloquinga. Deux fois par mois, la famille descend laver son linge à la fontaine. Mais il faut faire attention : il fait froid dans les montagnes, et mieux vaut sentir mauvais qu’attraper une bronchite. Baltazar veut terminer l’école pour s’inscrire ensuite à l’université. Plus tard, il souhaite faire de la politique. Comme tout le monde ici, il n’a jamais entendu parler de la Coupe du monde de football qui a eu lieu en Allemagne au début de l’été 2006. Il connaît en revanche Hugo Chávez, le président du Venezuela, qui a promis de lutter contre la pauvreté des Vénézuéliens et des Indiens. “Ici aussi, il faudrait faire quelque chose pour les pauvres, nous explique Baltazar. Nous sommes très pauvres. Nous n’avons pas d’école près du village, pas d’eau et pas d’électricité.” La montre-bracelet que porte María est un cadeau de mariage. Quand l’enfant naîtra, ils iront chercher la sage-femme. Et quand doit-il naître ? María, cachée derrière son foulard, émet un rire. Elle n’en a pas la moindre idée.


Baltazar répond d’un signe de tête : oui, il joue au foot. Tous les garçons jouent au foot. Juste pour le plaisir, sur le terrain, là-bas. Il faut traverser la vallée et remonter sur l’autre versant. A Zumbahua, le village situé là-bas derrière, en suivant la route, ils jouent aussi au foot. Et le dimanche, justement. Il est loin ce village ? Ben, ce n’est pas juste à côté, répond Baltazar. Nous démarrons. Une tache blanche apparaît sur le bord de la route. Marco freine. C’est Herman. Il a 14 ans et porte le maillot de l’équipe d’Allemagne. Beau maillot, lui dis-je. Il sourit. Je lui demande s’il sait à quelle équipe appartient ce maillot. “Aucune idée. —L’équipe d’Allemagne, fais-je. — Connais pas !” réplique Herman, qui nous regarde à présent, l’air interrogateur. C’est sa mère qui lui a rapporté le maillot du marché de Pujili. Il y a quelqu’un qui en vend. La Coupe du monde ? “Jamais entendu parler.” Tu joues au foot ? “Bien sûr, tout le monde y joue”, nous lance-t-il. Herman monte dans la voiture. Il nous guide jusqu’à un plateau, situé peu avant Zumbahua, où une vingtaine de garçons jouent au foot. Le sol est marqué de crevasses si profondes qu’on n’en voit pas le fond. Les garçons doivent faire attention à ce que le ballon ne disparaisse pas dans l’un de ces trous. A gauche, le terrain est délimité par la route et, à droite, par une corniche surplombant un vide vertigineux. Là aussi, les garçons doivent faire attention, sinon, c’est eux qui risquent de disparaître. Il vaut mieux jouer de l’autre côté. “Les meilleurs joueurs du coin sont à Quiroga”, nous explique Herman. Nous partons pour Quiroga, un village de 1 400 habitants, soit 200 familles, perché à 3 830 mètres d’altitude. Il doit son nom au martyr et héros de l’indépendance don Manuel Quiroga, qui mourut dans un cachot à Quito. Le village se trouve à proximité du lac de Cuicocha, “cochon d’Inde” en quechua. Cette étendue d’eau étincelante et féerique est située dans le cratère d’un ancien volcan. Quiroga est perdu dans un brouillard dense et blanc. Aucun goût, aucune odeur. Le brouillard s’élève dans le ciel pour former des nuages. On en oublierait presque qu’au-dessus le ciel est bleu. Au milieu du village, le terrain de foot : du sable parsemé de quelques touffes d’herbe. Les habitants du village, un chapeau sur la tête et aux pieds de lourdes chaussures vraiment peu adaptées, tapent dans un ballon de cuir élimé. C’est toujours le plus petit joueur qu’ils mettent dans les buts. D’un point de vue tactique, ce choix n’est pas très judicieux. Mais, ici, ce n’est pas la tactique qui compte. Ils courent tous derrière le ballon en criant. Les enfants, les adultes, les bons joueurs et les mauvais.


Chaque dimanche, à défaut d’autre passe-temps, les Indiens de la cordillère jouent au foot. Agustín Vega aussi. A 26 ans, il peint des tableaux naïfs qu’il va vendre aux touristes au bord du lac de Cuicocha : de petits formats aux couleurs contrastées, représentant des femmes avec des robes aux couleurs vives, des moutons blancs, des nuages tout aussi blancs, et un ciel bleu. “Ne vous attendez pas à un grand match. Nous ne sommes pas bons.” Tout à coup, le ciel se déchire. Brouillard et nuages déversent des torrents d’eau. Nous courons nous abriter dans l’école. La pluie tambourine sur le toit de Plexiglas vert. Des vitres cassées, de vieux bancs. “Quand il commence à pleuvoir, nous arrêtons le jeu”, explique Agustín. Oui, on comprend. Nous regardons dehors par l’une des fenêtres cassées. Nous percevons le parfum enivrant, lourd et sucré des fleurs. Nous regardons en bas, dans la vallée. “Là-bas, il ne pleut pas”, dit Agustín. Miguel Angel Dacomée, qui vient de jouer avec les autres, nous dit que “les Indiens sont tout en bas de l’échelle sociale équatorienne”. Et le foot n’y changera rien. “Nous avons besoin d’être formés, dit-il. Nous ne jouons pas bien. Nous n’avons aucun don pour le football, contrairement aux Noirs. Nous jouons seulement pour le plaisir.” Sur le terrain de Quiroga, on trouve aussi un filet de volley-ball et deux paniers de basket. Les Indiens tapent dans le ballon de foot avec une batte et l’envoient au-dessus du filet ; ils marquent un panier avec une balle de volley. Ils aiment le sport. Le terrain appartient à la commune. La pluie, à personne. “L’averse ne va pas durer. La pluie ne fait que cesser et recommencer”, dit Miguel. C’est vrai, la pluie finit toujours par s’arrêter. Le brouillard et les nuages, en revanche, restent suspendus au-dessus de Quiroga, lourds et sombres. Le terrain est inondé. “On laisse tomber, ça ne vaut plus la peine”, dit José Pastuña. Nous restons donc à l’intérieur de l’école à parler football. Miguel Angel Dacomée connaît les deux grands clubs de son pays, Nacional et LIGA, et José Pastuña, les meilleurs joueurs : Méndez, Salas, Lara.


Roger Repplinger Rund

lundi 3 décembre 2007

L'assemblée constituante doit placer les droits humains en tête de liste de ses priorités

Amnesty International, le Centre de documentation des droits humains «Segundo Montes Mozo», la Commission œcuménique des droits humains (CEDHU) et la Fédération des droits humains exhortent les candidats à l'Assemblée constituante de l'Équateur à s'engager à accorder la priorité à la protection et la promotion des droits humains au moment d'élaborer la nouvelle Constitution.

L'Équateur a de grands défis à relever. Le pays a traversé des années de grande instabilité politique et institutionnelle, les institutions du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire ayant progressivement perdu tout crédit auprès de la population. Jusqu'à maintenant, ces institutions n'ont pas réussi à prendre de mesures efficaces pour assurer le respect des droits humains en Équateur. Selon l'Institut national de statistiques et de recensement de l'Équateur (INEC), près de 40 p. cent de la population vit en situation de pauvreté et plus de 10 p. cent, dans le dénuement. L'impunité dont ont bénéficié pendant des décennies les auteurs d'atteintes aux droits humains en Équateur constitue un phénomène récurrent.

La protection des droits humains:
La majorité de la population équatorienne ayant une longue histoire de déni de ses droits fondamentaux, la protection et la promotion de l'ensemble des droits humains doivent figurer en tête de liste des priorités à l'ordre du jour de l'Assemblée constituante.

La nouvelle Constitution doit avoir comme fondement le respect et la promotion de tous les droits humains, de manière indivisible. Aucun droit ne doit être subordonné à un autre. Les droits humains – comme le droit à la vie et à l'intégrité physique, le droit à ne pas être soumis à la discrimination, le droit à la liberté personnelle, le droit à un logement, à la santé et à l'éducation – sont indivisibles et interdépendants. Il n'est pas envisageable de protéger l'un ou l'autre de manière indépendante, parce que la violation de l'un de ces droits affecte forcément les autres.

L'occasion est donnée à l'Équateur, par l'intermédiaire de ses représentants à l'Assemblée constituante, de renforcer la protection et la promotion des droits humains dans le texte de la nouvelle Constitution en cours d'élaboration. Il faudra établir clairement, entre autres principes, que les normes internationales dans ce domaine ont un statut juridique constitutionnel et que le pays est tenu d'appliquer les décisions et recommandations des instances internationales chargées de veiller au respect des droits fondamentaux.

La jurisprudence et les principes internationaux fixent les normes minimales que doivent respecter les États en matière de protection et de promotion des droits humains. Ces normes ne sont pas figées. Depuis la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, la communauté internationale a réinterprété et élargi la portée de ces droits et les obligations qui en découlent. Si l'Équateur veut être à l'avant-garde en matière de protection et de promotion des droits de la personne, il est indispensable qu'il traduise ces évolutions dans sa législation interne, en leur donnant un statut constitutionnel.

État de droit et obligation de rendre des comptes:
Pour assurer le respect et la promotion des droits fondamentaux de tous il faut maintenir et renforcer l'État de droit. Pour ce faire, il est indispensable de promouvoir la bonne gouvernance et de mettre en place une structure et une procédure juridiques efficaces et impartiales auxquelles les personnes puissent accéder lorsque leurs droits sont violés. Une participation active de la société est également nécessaire.

Un système fondé sur les principes de l'État de droit offre de bonnes garanties en matière de droits humains. Cependant, si l'on veut qu'un tel système soit véritablement équitable, il ne doit pas exclure les femmes ni les secteurs de la population les moins favorisés d'un point de vue économique. Dans la plupart des cas, les personnes en situation de marginalisation et de vulnérabilité finissent par être exclues du champ de la légalité et voient de ce fait se dégrader encore leur condition sociale et économique. La réinsertion de ces personnes ne pourra être effective qu'à partir du moment où tous leurs droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels auront été reconnus, se matérialiseront dans des mesures concrètes et feront l'objet de véritables politiques et programmes publics. L'égalité d'accès à tous les droits humains constitue une condition nécessaire à l'exercice de ces droits mais aussi à la postérité économique et à la stabilité sociale.

Les signataires de la présente déclaration veulent croire que l'Assemblée constituante créera un environnement normatif pouvant aider le pays à entrer dans une ère de stabilité, de bonne gouvernance et de renforcement de l'État de droit, sur la base du respect des droits fondamentaux de tous et de toutes.

AMNESTY INTERNATIONAL
Déclaration publique
Index AI : AMR 28/004/2007 (Public)
Bulletin n° : 174
ÉFAI
11 septembre 2007
Résumés des principaux événements de l'année civile 2006 exposés dans le rapport annuel 2007 par région (Région Amériques disponible sur ce lien)

dimanche 18 novembre 2007

Semaine du lundi 12 novembre 2007

Suite à une longue conversation avec Jordi, j’ai décidé d’axer les cours de français sur "l’écriture du soi", description de son propre parcours par chacun des jeunes, qui est la direction principale de son travail. La séance de Jordi du mardi fut dédiée au dessin ; les élèves créèrent la première et la quatrième de couverture du livre de conte qu’il est en train de réaliser et commencèrent à mettre en ordre textes et dessins les concernant. Durant le cours de Français de mercredi, m’inspirant des histoire narrées par les enfants, je leur ai proposé d’écrire une lettre en Français, reprenant les thèmes de la vie quotidienne. Je suis heureuse de voir qu’ils réussissent à présent à écrire quelques phrases, certain s’aidant d’un modèle, d’autres ne s’appuyant que sur leur mémoire. Maicol, un des élèves du groupe le plus avancé, resta même après la fin de la classe pour me demander du vocabulaire afin d’écrire une lettre plus longue : « Como se dice Mi papa esta muerto ? »... Difficile de ne pas laisser trembler sa voix en répondant « Ca se dit : mon papa est mort... ».

Chacun des enfants a une histoire familiale complexe et douloureuse. Leur demander de décrire où vivent leurs parents et leurs frères et soeurs nous fait faire un véritable tour du monde... Certains ont émigré en Espagne, d’autres aux Etats-Unis… Mais beaucoup résident également dans des communautés rurales assez éloignées de Quito et du Centre de Formation. A travers l’écriture et la description de ce qui les entoure, ils apprennent du vocabulaire quotidien, et m’enseignent également beaucoup sur eux.

L’atelier théâtre se déroule de mieux en mieux et malgré la différence de niveau des acteurs en herbe, nous réussissons à avancer grâce à un travail soutenu. Nous avons convenu avec les autres volontaires de multiplier les répétitions et de prendre en charge les élèves à titre personnel. Tous les soirs, ils apprendront leur texte en tête a tête avec moi. Certains sont déjà au delà de la mémorisation du texte et me demandent de travailler avec eux sur les expressions du visages, les gestes des mains etc. D’autres, au contraire, lisent encore...

L’oeuvre que nous avons choisie, El ascensor, de Salvador Enríquez, met en scène dix personnages prisonniers d’un grand magasin à cause d’une panne d’ascenseur. La critique de la société de consommation, le rapport entre les classes sociales et les relations homme-femme sont au coeur de cette pièce, où l’ascenseur éponyme est autant métaphorique que réel. Le travail sur cette oeuvre permet donc une discussion sur ces thèmes très complexes, mais au fond très proches des préoccupations des élèves.

Au sein de la fondation, si certains n’ont pas les moyens de payer le bus pour rentrer chez eux le week-end, d’autres se promènent avec un téléphone portable dernier cri avec radio intégrée.... peut-être acheté aux dépends d’autres biens plus nécessaires. Dans le cadre du travail théâtral, je voulais faire créer aux élèves du groupe de charpenterie une scène en bois plus grande que celle qui existe déjà, mais il s’avère que les fonds nécessaires à l’achat des matières premières, pourtant peu chères, manquent...

Voyant approcher à toute allure la fin du semestre, les enseignants se préoccupent du niveau des élèves. Certains ne remplissent malheureusement pas les conditions pour passer au niveau superieur. Il leur reste quatre semaines pour démontrer leur talent et leur capacité à travailler. Le semestre prochain, qui débute en janvier, verra arriver de nouveau élèves. Nous espérons que le Centre Domingo Savio continuera à se développer pour accueillir les jeunes et offrir une formation de qualité au plus grand nombre d’entre eux.


Anna Postel

Ou comment faire jouer le réseau transnational d'intelligences...

Atelier travaux manuels au centre

Tout commence par la rencontre fortuite début octobre de la présidente du Collectif Artishow et d'un jeune couple se rendant en vacances en Equateur quelques semaines plus tard. Profitant de leur voyage pour visiter tout le pays, ils passeront néanmoins par Quito, où leur avion atteri. Nous leur avons donc demandé s'ils pouvaient acheminer de notre part des photos à l'attention des jeunes du centre Doningo Savio, en échange d'un taxi entre l'aéroport et le centre-ville de Quito le soir de leur arrivée. Ils ont tout de suite accepté, et les photos ont été réceptionnées quelques jours plus tard par un ami d'Artishow à Quito, qui les a remises à son tour à Anna, intervenante volontaire à Domingo Savio, non sans quelques péripéties...


Ces photos sont des agrandissements de photos prises cet été durant les différentes interventions d'éducation sexuelle, de prévention du Sida et des grossesses précoces que nous avons réalisées dans le centre. Elles montrent les jeunes en plein travail, que ce soit en classe entière, en demi groupes ou en train de jouer les scénettes qu'ils avaient imaginées en prévision de la réalisation du DVD pédagogique sur l'éducation sexuelle.



Anna a alors organisé avec les jeunes du centre un atelier de travaux manuels afin qu'ils puissent coller ces photos sur de grands panneaux décorés et légendés par leurs soins. Ils pourront ainsi exposer avec fierté le fruit de leur travail aux yeux de tous les visiteurs du centre, mais aussi se remémorer entre eux les nombreux fous rires partagés lors de ces séances de travail! Cet atelier représente également une activité ludique qui a été réalisée avec entrain par les plus jeunes des pensionnaires.


lundi 12 novembre 2007

Semaine du lundi 3 novembre



Cette semaine, les élèves menuisiers du centre Domingo Savio ont achevé le lit et la chaise sur lesquels ils travaillaient les semaines précédentes. Les apprentis créent également la tapisserie de la chaise afin de livrer un produit fini.


D’après une idée de Jordi, les jeunes fabriquent également des jeux en bois : Une tour composée de rectangles, un tan gram et un jeu d’échecs. Jordi insiste sur l’interpénétration des activités dans l’atelier et des activités éducatives, culturelles et récréatives. Pour cela, il incite les élèves à fabriquer leurs propres jeux de société. Le travail de ce volontaire espagnol est une aide inestimable pour les enfants du Centre. Psychologue de formation, il se refuse à utiliser les méthodes classiques de psychologie fondées sur le dialogue en tête-à-tête, pour favoriser un travail de groupe. Cependant il encourage les élèves à réfléchir sur leur propre vie, sur leur personnalité afin de les aider à retrouver leur auto estime. En ce moment il termine avec eux un projet littéraire : chacun des élèves à écrit un conte ou une petite histoire narrant sa vie, accompagné de dessins. L’objectif est d’éditer un livre où les histoires s’entremêlent aux graphismes. Dans le cadre de l’échange que nous désirons créer avec le collège français, Jordi aimerais ajouter des contes écrits par les élèves français afin de souligner les différences de perceptions des enfants dans ces deux pays, mais également de rapprocher les deux cultures. Il est vrai que le vécu des enfants du centre est bien différent de celui d’élèves d’un collège français, puisque la plupart travaillaient avant de venir ici. Malgré tout, les traumatismes familiaux dont ils ont pu être victimes – absence d’un parent, violence au sein du foyer... – peuvent se retrouver dans le vécu d’enfants français.


Le film français Les choristes, que Jordi à présenté aux enfants, à été très apprécié, peut-être pour ses similitudes avec le vécu des jeunes à l’internat. Notons cependant que le châtiment corporel est entièrement banni du Centre de Formation Domingo Savio. Il sera intéressant, afin de dynamiser les cours de Français, d’étudier prochainement une scène de ce film. Il est important de trouver des sujets proche des élèves : Lors du cours de lundi, les élèves ont du étudier les fiches d’identité des footballeurs français Zidane et Henry, le foot étant le sujet qui les passionne le plus ! Mercredi, je leur ai fait écouter la chanson de Manu Chao Je ne t’aime plus afin qu’ils apprennent plus facilement des phrases simples.

L’avancée de la pièce de théâtre se heurte à quelques difficultés. Il semble que le texte choisi soit un peu compliqué pour les élèves qui ne comprennent pas réellement la logique des personnages. Ainsi, il leur est difficile d’apprendre par coeur. Certains enfants se découragent et veulent arrêter. Malgré tout, les volontaires gardent l’espoir de présenter la pièce dans un mois. Pour la mise en scène, José est notre assistant principal. Non seulement il s’occupe de la lumière, mais il remplace également avec bravoure tous les acteurs absents. Par exemple, notre ascensoriste, Luis, à dû manquer la répétition pour s’être blessé en soudant sans casque.


Jeudi a été organisée une sortie au musée de la ville (Museo de la Ciudad) de Quito. Cette excursion a rompu avec le quotidien des jeunes en y apportant une nouveauté. Nombreux sont ceux qui ne s’étaient jamais rendus dans un musée, ni même dans le centre-ville de Quito. Les jeunes du Centre ont été invités par des étudiants en droit de l’Universidad Catolica de Quito qui les parrainent. Cela permet un échange culturel stimulant pour les deux groupes. Comme le souligne le coordinateur Ramiro Mantilla, il ne s’agit pas d’un processus à sens unique où les étudiants apporteraient une aide « caritative » aux enfants du Centre. Au contraire, il s’agit d’un apport mutuel, d’un enrichissement culturel à double sens. Le rapprochement entre les étudiants de la Catolica et du Centre de Formation Domino Savio remonte à un peu plus d’un mois lorsque ceux-la vinrent organiser des activités sportives et culturelles au Centre à Conocoto. Ainsi naquit une amitié qui fit germer l’idée de cette sortie.


Dans l’ensemble les élèves du Centre de Formation ont apprécié la visite du musée. Malheureusement, certains furent décontenancés par l’allure extrêmement rapide de la guide qui ne laissait guère le temps de comprendre et de bien regarder chaque objet, mémoire de l’histoire de la ville de Quito. On peut déplorer l’absence de pédagogie de la part de cette femme qui ne prenait pas en compte le fait qu’elle s’adressait à des enfants pour la plupart assez jeunes. Ce musée présente une collection très riche d’objets, de cartes, de vêtements etc. datant de l’époque de la Colonie espagnole et de l’époque moderne, afin de donner aux visiteurs un aperçu de l’histoire et des traditions de Quito.

Apres le musée, les étudiants ont offert aux élèves du Centre un déjeuner avant de les accompagner au bus qui les a ramenés à Conocoto. Ramiro Mantilla a salué l’autonomie de ses élèves lors de cette sortie et précise que celle-ci servait également de préambule à une excursion plus longue qui se mettra en place prochainement. C’est vrai que les jeunes se sont tenus à carreau au musée, peut-être parce qu’ils étaient accompagnés de « grands »...
Anna Postel

samedi 10 novembre 2007

Les objectifs du centre “Domingo Savio”


Le Centre de formation Domingo Savio, un des projets de la Fondation salésienne « Don Bosco », situé à une demi-heure de Quito, ressemble à un petit paradis. Avec ses espaces verts, ses maisonnettes blanches et jaunes et sa petite chapelle, cette école atelier semble le lieu idéal pour un apprentissage intensif. Les enfants et jeunes qui y étudient sont issus de milieux défavorisés et n’ont pas eu l’opportunité de terminer l’école, faute de moyens financiers. Il faut savoir que les dépenses liées à l’éducation sont assez élevées en Equateur, puisqu’il faut obligatoirement acheter livres, uniformes et autre matériel scolaire. Même les écoles publiques requièrent une participation élevée de la part des parents, qui s’avère être le principal frein à la scolarisation des jeunes issus de familles modestes. En outre, le temps manquait à certains de ces enfants qui devaient travailler dans les champs, dans la rue, ou dans les bus pour aider financièrement leurs familles. Par conséquent, leur niveau scolaire est bas, certains ne maîtrisent pas les connaissances de base de la lecture et de l’écriture.


Le Centre de Formation a donc mis en place une structure éducative propre afin d’enseigner un métier en deux ans. L’enseignement y est peu coûteux puisque les familles ne contribuent que de 30 dollars pour chaque semestre (cinq mois). Le reste des coûts est pris en charge par des donations grâce à l’aide de deux associations européennes : Licht und Shaften en Allemagne et Amici di Pio en Italie. Le Padre Pio Bascirotto, prêtre salesien d’origine italienne, préside la Fondation Don Bosco en Equateur. Les objectifs du centre sont nombreux, car il ne s’agit pas uniquement de former les élèves aux métiers de menuisier ou de ferronnier, mais également de les aider à acquérir une culture générale, une confiance en eux et en leur avenir. Le matin, les apprentis travaillent dans les ateliers où ils reçoivent un enseignement théorique et pratique. L’après-midi est dédié aux activités sportives, culturelles et artistiques afin qu’ils s’ouvrent aux différents aspects du monde qui les entoure.

Des volontaires venus de différents pays prennent en charge les enseignements de l’après-midi. Maria-Angela, grande sportive venue d’Italie, a mis en place un programme d’éducation physique et sportive fondé sur la pratique de l’athlétisme. Elle a ainsi initié les jeunes à des thématiques liées au sport, comme la respiration ou encore les lésions musculaires. Le volontaire espagnol Jordi, psychologue de formation, travaille avec les élèves sur le conte et le dessin. Ramiro Mantilla, coordinateur de la fondation, organise des ateliers de lecture dirigée, de chant, et une « école de la citoyenneté ». Anna, volontaire d’origine française, donne des cours de théâtre et de Français.



Les cours de Français sont dispensés dans le cadre d’une coopération qui va se mettre en place avec le collège Fontenelle de Rouen, en Haute-Normandie. Nous voudrions que les élèves d’ici puissent établir un contact épistolaire avec les collégiens français qui étudient l’espagnol. Laureline Collet, présidente du Collectif ArtiShow, association française, est à la base de ce projet de jumelage. Les cours de théâtre s’inscrivent dans un projet plus large : le Centre souhaite présenter à la communauté de Conocoto (quartier de la vallée des Chillos, dans la grande banlieue de Quito, où est installé le centre) un spectacle de théâtre, chant et danse. Les activités artistiques sont extrêmement gratifiantes pour les jeunes qui apprennent de cette façon à prendre confiance en eux, à créer et à se présenter devant un public. Ils surmontent ainsi leurs inhibitions et apprennent à être convaincus et convaincants. Le théâtre est également un moyen détourné d’effectuer un travail de lecture et de compréhension de la langue qui s’avère nécessaire pour certains élèves qui ont encore du mal à lire.


Malgré toute la bonne volonté dont font preuve les professeurs et coordinateurs, le Centre de Formation Don Bosco se heurte à des difficultés, principalement financières. Les infrastructures ont besoin d’être rénovées et le Centre nécessite des ressources afin de garantir aux jeunes une alimentation variée et en quantité suffisante. Les rentrées d’argent viennent en grande partie de donations qui ne sont pas toujours suffisantes ou assez régulières pour payer les 150 dollars nécessaires à l’hébergement, l’éducation et la nourriture de chaque élève chaque mois. Une des solutions qui permettrai d’accroître la performance et la capacité du centre de formation serait d’élargir le réseau de donateurs, en particulier vers la France. Une autre source de revenus est la vente de plantes ornementales cultivées au Centre, ainsi que la vente de certains meubles fabriqués par les apprentis. En outre, le Centre reçoit régulièrement des dons de nourriture et de biens nécessaires à la vie quotidienne : saucisses, huile, savon. Le maintien d’un verger sur le site permet également un approvisionnement en légumes, somme toutes assez limité.



Les aspirations sont nombreuses et il reste un long chemin à parcourir afin d’améliorer les infrastructures et ouvrir d’avantages de places pour faire profiter d’autres enfants. Dans ce cadre, nous désirons multiplier les collaborations avec des organisations étrangères afin de nous faire connaître et générer des revenus indispensables à la vie de notre projet sur le long terme.


Anna Postel

Un processus digne

En voyageant de Machachi à Conocoto, après avoir visité la ferme Fontana, Anna Postel, volontaire d’origine franco-suédoise partagea avec moi un repas de banane frite, fromage frais et “colada morada” (bouillie violette). Le visage rempli de satisfaction d’avoir découvert un tel mélange de saveurs, elle me confia son admiration pour notre pays et exprima dans le même temps ses opinions concernant sa venue et son travail avec les trente jeunes du Centre de Formation « Domingo Savio », appartenant à la Fondation « Don Bosco ». Elle commenta avec préoccupation et sens critique le caractère paternaliste et néocolonialiste émanant parfois de la vision de certains volontaires qui viennent donner leur temps et leur énergie dans les fondations. Je pense qu’il est urgent de réfléchir sur le rôle du volontariat dans sa volonté de participer du progrès social, sans exclusion. Toutes ces expressions qui affectent les visions de la société humaine se doivent d’être réévaluées.

Les mots se heurtent parfois avec violence au monde réel et il reste bien des raisons justifiant les réserves émises quant à la gestion des fondations, à certaines entités qui profitent de leurs ressources financières internes, externes, publiques et privées, ne laissant aux groupes bénéficiaires que le minimum justifiant leur existence aux yeux des donateurs.

Cependant, malgré une trace de scepticisme, je puis affirmer catégoriquement que « Domingo Savio » s’est engagé dans une nouvelle expérience le 2 juin de cette année : Dans l’école atelier, nous mettons en place grâce au concours du Père Pio Baschirotto, d’Enrico, de Maria-Angela, de Fausto, de Paul, et de tous les jeunes du centre, un processus digne. Les jeunes pensionnaires assument entièrement le défi que représente la prise de conscience de leur ETRE, et affrontent avec bravoure la construction de leur destin, sans charité déplacée. Nos élèves sont bien loin de se montrer nécessiteux, misérables, ou dépourvus de motivation. Bien au contraire, leur nature humaine vivace nous surprend lorsqu’ils font preuve d’attitudes hautement créatives, des talents innés, d’une fraîcheur de réflexion, et tout cela indépendamment des séquelles liées aux drames individuels vécus par ces jeunes : maltraitance au sein de leur famille ou du système scolaire classique, violence de la rue, du discours religieux apocalyptique…

Actuellement, certaines actions de formation convergeant vers le renforcement d’une structure psychologique émancipée, l’appropriation des technologies et l’acquisition d’une grande dextérité sont mises en place. Nous sommes convaincus de l’action gratifiante de l’effort de chacun sur le groupe, et inversement. Ce processus digne est appuyé par l’étude de thématiques actuelles et transcendantes qui nous servent à comprendre, interpréter et transformer la réalité qui nous entoure. Celles-ci sont encadrées par des professionnels nationaux et étrangers qui mènent à bien leur tache avec un engagement et une rigueur académiques. Des diplômés de l’Université San Fransisco, des étudiants l’Université PUCE et des élèves de dernière année de la British School de Quito ont eu l’opportunité de partager leurs savoirs de manière simple, sans complexes ou exclusions aberrantes.

Le fait que nos 26 élèves soient internes contribue au travail préventif constant et soutenu. Celui-ci se fonde sur des objectifs fixés et des évaluations permanentes de la part de toutes les personnes impliquées (dont le travail est discuté lors de séances ouvertes et transparentes où la critique et l’autocritique sont utilisées avec objectivité, et où nous développons une attitude d’ouverture, sans procrastination). Il est certain que nous n’avons pas encore atteint le rythme et l’habitude nécessaires pour que s’épuisent les procédés qui oxygènent nos projets. Les anachronismes de l’exercice bureaucratique ont néanmoins encore des effets nocifs qui prétendent couper court aux avancées significatives de ce processus digne.

L’appui institutionnel du Master en politiques publiques de l’Université Polytechnique Salésienne, les alliances concrètes avec le gouvernement local, l’administration de la Vallée « de los Chillos » ou encore le Centre Culturel de Conocoto nourrissent de sève quotidienne nos efforts afin de générer des services appropriés aux voisins de notre structure, et par dessus tout aux environements sociaux desquels sont issus nos jeunes.

Il nous reste néanmoins encore un long chemin à parcourir. Nous sommes les premiers à reconnaître que nous pouvons aller jusqu’à nous trahir nous-mêmes, à ne voir que ce que nous voulons... Nous savons que chacun peut se laisser aller à une subjectivité individualiste, à une fatigue improductive… Il y aura d’autres aspects imprévisibles qui tenteront de couper court au processus digne, en nous renvoyant vers un passé assisté, arbitraire ou dénué d’objectifs car nous savons qu’être originaux et engagés stimule, mais provoque et incommode tout autant les médiocres et les immobiles.

Cependant à cette étape, les excuses anticipées et le défaitisme ne tiennent pas ! Nous possédons la volonté humaine avec laquelle nous nous efforcerons d’atteindre notre rêve de faire du paradis terrestre une réalité. Aujourd’hui, grâce aux conditions objectives qui nous entourent et à une époque de changement auquel chacun peut prendre part, l’opportunité est excellente. Alors en avant !


Ramiro E. Mantilla V.
COORDINADOR
CENTRO de FORMACIÓN “DOMINGO SAVIO”
Dirección. González Suárez 805 y Los Arupos. Conocoto. DMQuito.
Teléfono/Fax: 02-2343654. 098334525 ramito53@hotmail.com