samedi 10 novembre 2007

Un processus digne

En voyageant de Machachi à Conocoto, après avoir visité la ferme Fontana, Anna Postel, volontaire d’origine franco-suédoise partagea avec moi un repas de banane frite, fromage frais et “colada morada” (bouillie violette). Le visage rempli de satisfaction d’avoir découvert un tel mélange de saveurs, elle me confia son admiration pour notre pays et exprima dans le même temps ses opinions concernant sa venue et son travail avec les trente jeunes du Centre de Formation « Domingo Savio », appartenant à la Fondation « Don Bosco ». Elle commenta avec préoccupation et sens critique le caractère paternaliste et néocolonialiste émanant parfois de la vision de certains volontaires qui viennent donner leur temps et leur énergie dans les fondations. Je pense qu’il est urgent de réfléchir sur le rôle du volontariat dans sa volonté de participer du progrès social, sans exclusion. Toutes ces expressions qui affectent les visions de la société humaine se doivent d’être réévaluées.

Les mots se heurtent parfois avec violence au monde réel et il reste bien des raisons justifiant les réserves émises quant à la gestion des fondations, à certaines entités qui profitent de leurs ressources financières internes, externes, publiques et privées, ne laissant aux groupes bénéficiaires que le minimum justifiant leur existence aux yeux des donateurs.

Cependant, malgré une trace de scepticisme, je puis affirmer catégoriquement que « Domingo Savio » s’est engagé dans une nouvelle expérience le 2 juin de cette année : Dans l’école atelier, nous mettons en place grâce au concours du Père Pio Baschirotto, d’Enrico, de Maria-Angela, de Fausto, de Paul, et de tous les jeunes du centre, un processus digne. Les jeunes pensionnaires assument entièrement le défi que représente la prise de conscience de leur ETRE, et affrontent avec bravoure la construction de leur destin, sans charité déplacée. Nos élèves sont bien loin de se montrer nécessiteux, misérables, ou dépourvus de motivation. Bien au contraire, leur nature humaine vivace nous surprend lorsqu’ils font preuve d’attitudes hautement créatives, des talents innés, d’une fraîcheur de réflexion, et tout cela indépendamment des séquelles liées aux drames individuels vécus par ces jeunes : maltraitance au sein de leur famille ou du système scolaire classique, violence de la rue, du discours religieux apocalyptique…

Actuellement, certaines actions de formation convergeant vers le renforcement d’une structure psychologique émancipée, l’appropriation des technologies et l’acquisition d’une grande dextérité sont mises en place. Nous sommes convaincus de l’action gratifiante de l’effort de chacun sur le groupe, et inversement. Ce processus digne est appuyé par l’étude de thématiques actuelles et transcendantes qui nous servent à comprendre, interpréter et transformer la réalité qui nous entoure. Celles-ci sont encadrées par des professionnels nationaux et étrangers qui mènent à bien leur tache avec un engagement et une rigueur académiques. Des diplômés de l’Université San Fransisco, des étudiants l’Université PUCE et des élèves de dernière année de la British School de Quito ont eu l’opportunité de partager leurs savoirs de manière simple, sans complexes ou exclusions aberrantes.

Le fait que nos 26 élèves soient internes contribue au travail préventif constant et soutenu. Celui-ci se fonde sur des objectifs fixés et des évaluations permanentes de la part de toutes les personnes impliquées (dont le travail est discuté lors de séances ouvertes et transparentes où la critique et l’autocritique sont utilisées avec objectivité, et où nous développons une attitude d’ouverture, sans procrastination). Il est certain que nous n’avons pas encore atteint le rythme et l’habitude nécessaires pour que s’épuisent les procédés qui oxygènent nos projets. Les anachronismes de l’exercice bureaucratique ont néanmoins encore des effets nocifs qui prétendent couper court aux avancées significatives de ce processus digne.

L’appui institutionnel du Master en politiques publiques de l’Université Polytechnique Salésienne, les alliances concrètes avec le gouvernement local, l’administration de la Vallée « de los Chillos » ou encore le Centre Culturel de Conocoto nourrissent de sève quotidienne nos efforts afin de générer des services appropriés aux voisins de notre structure, et par dessus tout aux environements sociaux desquels sont issus nos jeunes.

Il nous reste néanmoins encore un long chemin à parcourir. Nous sommes les premiers à reconnaître que nous pouvons aller jusqu’à nous trahir nous-mêmes, à ne voir que ce que nous voulons... Nous savons que chacun peut se laisser aller à une subjectivité individualiste, à une fatigue improductive… Il y aura d’autres aspects imprévisibles qui tenteront de couper court au processus digne, en nous renvoyant vers un passé assisté, arbitraire ou dénué d’objectifs car nous savons qu’être originaux et engagés stimule, mais provoque et incommode tout autant les médiocres et les immobiles.

Cependant à cette étape, les excuses anticipées et le défaitisme ne tiennent pas ! Nous possédons la volonté humaine avec laquelle nous nous efforcerons d’atteindre notre rêve de faire du paradis terrestre une réalité. Aujourd’hui, grâce aux conditions objectives qui nous entourent et à une époque de changement auquel chacun peut prendre part, l’opportunité est excellente. Alors en avant !


Ramiro E. Mantilla V.
COORDINADOR
CENTRO de FORMACIÓN “DOMINGO SAVIO”
Dirección. González Suárez 805 y Los Arupos. Conocoto. DMQuito.
Teléfono/Fax: 02-2343654. 098334525 ramito53@hotmail.com

lundi 29 octobre 2007

Semaine du 21 octobre à Domingo Savio

Un couple se promène sur l’allée de graviers du Centre Domingo Savio, visite les ateliers et échange quelques mots avec Don Ramiro, le coordinateur de la Fondation. Ces deux jeunes gens sont venus à l’atelier de ferronnerie passer une commande pour des panneaux décoratifs en fer à placer sur la facade de leur maison. Ils ont choisi de faire confiance à la Fondation parce qu’on leur garantit un travail personnalisé et de qualité, à un prix plus bas qu’ailleurs.


De la même façon, le lit que les apprentis charpentiers viennent de terminer est en réalité une commande, bien qu’ils aient pris sa réalisation pour un exercice. Le centre de formation trouve donc des clients, s’ouvre à la connaissance de la population locale et suscite un intérêt croissant, même de la part du monde médiatique : jeudi, un journaliste et un photographe sont venus visiter les lieux, interviewer le personnnel et les élèves et prendre quelques photos afin de publier un article dans le journal régional, El correo del valle.

Ce qui a plus particulièrement attiré l’attention du journaliste est l’augmentaiton du nombre de jeunes hébergés par le centre depuis sa dernière visite en 2006 (celui-ci est passé de 14 à 30). Il a discuté avec les maitres et les élèves, et s’intéresse également au travail des volontaires en charge des activités culturelles et éducatives. Ce journaliste du Comercio, organe de presse de la région de Quito, insiste sur la nécessité de faire connaître le centre au niveau international afin que les initiatives volontaires se multiplient. Evidemment, les élèves sont heureux de l’attention qu’on leur porte et Maicol, dont une photo en costume de théâtre a été prise, s’exclama « Voy a salir en el periodico ! » (« Je vais être dans le journal ! »)

Comme le note très bien le journaliste, le Centre Domingo Savio subit en ce moment des changements importants. Un processus d’officialisation des diplômes passés par les jeunes a notamment été mis en place afin que la formation soit reconnue dans le pays. Ceci leur permettra, au sortir de la formation, d’ouvrir un atelier et de devenir maîtres à leur tour. Ernesto, lui, a déja trouvé du travail dans une fabrique de meubles non loin de Conocoto. Il commencera à travailler dès la fin de son apprentissage, en décembre. Son salaire mensuel sera de 250 dollars, ce qui est assez bien dans un pays où le salaire moyen est d’environ 130 dollars américains par mois ...


Quant à l’activité théâtrale, elle se déroule plutôt bien. La capacité de concentration des élèves progresse, ainsi que leur écoute de l’autre. Durant la séance de mardi, les acteurs en herbe ont auditionné pour le rôle qu’ils avaient choisi, lisant leurs répliques avec plus ou moins de difficultés. Un des élèves, au moment de passer devant les autres, m’appela et me dit, penaud, « C’est que je ne sais pas lire, comment je vais faire ? ». J’avoue que j’ai été prise de court... ce garçon me paraissait néanmoins avoir des talents d’imitation et d’expression, alors que faire ? Je lui ai proposé un rôle plus petit, et de l’aider à l’apprendre, mais il se braqua et voulut partir... Nous avons donc décidé avec les autres volontaires qu’il nous aiderait à la mise en scène, mais la déception se lisait sur son visage...


La séance de jeudi fut dédiée à la lecture intégrale de l’œuvre finalement choisie. Nombreux sont les enfants qui ne lisent pas bien à voix haute, ou qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent et qui n’utilisent pas correctement la ponctuation. Ce cours de théâtre va sans aucun doute les aider à développer leurs capacités de lecture et d’expression orale. Les cours de Français continuent également pendant ce temps.


La division en groupes à été judicieuse, puisque les élèves les plus avancés comprennent déjà des textes très courts et apprennent régulièrement du vocabulaire. L’autre groupe a plus de difficultés de concentration, de mémorisation, ou ne comprend pas l’intérêt de tels exercices.

Pour terminer, il faut souligner l’importance du travail de Jordi, psychologue espagnol volontaire au centre. Il prépare avec les élèves un livre narrant l’histoire personnelle de chacun, accompagnée de dessins.

Anna Postel

samedi 27 octobre 2007

Avoir l’argent du pétrole sans vendre le pétrole

ÉQUATEUR

Le président Correa propose de renoncer à l’exploitation d’un immense gisement pétrolier de l’Amazonie équatorienne à condition que la communauté internationale indemnise son pays. Sera-t-il entendu ?


Le président de l’Equateur, Rafael Correa, a fait une singulière proposition devant les Nations unies, le 24 septembre dernier, pour lutter contre le réchauffement de la planète, proposition qui impliquerait pour son pays de renoncer à 760 millions de dollars par an. “L’Equateur est prêt à faire de grands sacrifices, avec justice et créativité, pour lutter contre le réchauffement”, a déclaré M. Correa, avant de préciser ses intentions : son pays pourrait renoncer à l’exploitation du gisement pétrolier ITT (Isphingo-Tambococha-Tiputini, zone amazonienne où se trouve ce gigantesque gisement), situé dans une zone écologique hautement sensible appelée Yasuní et déclarée “réserve de la biosphère” en 1989 par l’UNESCO. On imagine la stupeur de l’assistance. “Notre pays s’engagerait à ne pas extraire les quelque 920 millions de barils de pétrole par an que le gisement pourrait fournir. Et donc à conserver intacte l’une des régions les plus riches de la planète du point de vue de la biodiversité”, a expliqué le président équatorien. Pour prix de ce “sacrifice”, M. Correa a exigé, au nom de la “coresponsabilité de la communauté internationale, une indemnisation minimale pour tenir compte des biens environnementaux” qui seront créés par cette mesure, biens qui “profitent à toute la planète”, a-t-il souligné. Cela étant, la proposition de renoncer au pétrole de l’ITT n’est pas une initiative du président Correa. Elle est défendue par des ONG qui luttent depuis des décennies contre l’exploitation pétrolière sauvage en Equateur. Ces ONG avaient ainsi lancé en avril 2007 la campagne “Yasuní dépend de toi”.


Dans une interview téléphonique, Esperanza Martínez, présidente d’Acción Ecológica, organisation leader de cette campagne, explique les raisons du projet : “Avec d’autres ONG qui soutiennent cette campagne, nous dénonçons depuis longtemps l’activité pétrolière. Comme Oil Watch [un réseau international d’organisations écologistes], nous défendons depuis dix ans l’idée d’un moratoire sur l’expansion pétrolière. Parallèlement, nous avons exigé que les collectivités locales qui résistent à l’exploitation ne soient pas réprimées, mais au contraire récompensées, car elles sont les seules à empêcher par leur résistance que l’on poursuive l’extraction du pétrole et, donc, que l’on contribue au réchauffement.” Dans ce contexte, explique-t-elle, “nous avons proposé au gouvernement de rechercher des solutions de rechange au projet pétrolier le plus important d’Equateur, celui de l’ITT”. Et de rappeler que l’Equateur a déjà payé un lourd tribut à l’exploitation pétrolière. “Ce n’est pas un hasard si c’est ici qu’a lieu le ‘procès du siècle’ contre Texaco [compagnie pétrolière américaine jugée pour catastrophe écologique].”


Le gouvernement a d’abord rejeté le projet Pour cette raison, poursuit la présidente d’Acción Ecológica, “l’Equateur s’y connaît en pétrole : nous souffrons directement de l’impact sur l’environnement, et on nous a trop longtemps raconté des sornettes – par exemple, que le pétrole allait nous faire sortir de la pauvreté”. Elle ajoute qu’un tel contexte est propice à la réflexion sur les alternatives. Toutefois, reconnaît-elle, “il n’est pas facile de convaincre le pays de la validité d’un tel projet”. Correa lui-même, dans son discours à l’ONU, a expliqué que le fait de ne pas exploiter le pétrole de l’ITT entraînerait “une perte considérable en termes d’investissements, près de 720 millions de dollars par an, une somme très importante pour un petit pays de 13 millions d’habitants, parmi lesquels environ 6 millions de pauvres”. Esperanza Martínez raconte que, dans un premier temps, le gouvernement a rejeté le projet, invoquant les énormes recettes qu’il pourrait tirer du pétrole du Yasuní. “En discutant avec le gouvernement, nous avons conçu un mécanisme d’indemnisation internationale qui nous paraît légitime, explique-t-elle. Car, évidemment, ne pas extraire ce pétrole entraînerait une réduction des émissions de CO2, et, par conséquent, bénéficierait à la planète entière.” Une telle option, néanmoins, n’a pas fait l’unanimité au sein de l’équipe gouvernementale. “Nous travaillons sur cette proposition depuis longtemps, note-t-elle. Dès la mise en place de l’actuel gouvernement, Albert Acosta, qui était alors ministre de l’Energie, a fait sienne la proposition. Le passé écologiste du ministre a joué un grand rôle, et il a su convaincre Correa.” “Le gouvernement a fixé une date butoir pour la viabilité du projet, le 1er juillet 2008, poursuit-elle. L’Espagne, l’Allemagne et l’Italie ont pris des engagements sérieux.”


Les aspects économiques font l’objet des plus âpres discussions. “Le président a dit : ‘Je veux la moitié de ce que nous gagnerions en extrayant le pétrole.’” Dans son discours du 24 septembre, M. Correa a évalué très précisément le coût du sacrifice de son pays. “Pour l’Equateur, la non-exploitation du pétrole brut représente une perte d’au moins 10 à 15 dollars par baril. Or nous ne demandons au reste de l’humanité qu’une contribution de 5 dollars par baril pour préserver la biodiversité, protéger les peuples indiens en isolement volontaire qui y habitent et éviter les émissions de dioxyde de carbone. L’indemnisation que nous demandons au reste du monde se monte à environ 4,6 milliards de dollars.” En exposant le projet à New York, le président Correa a “fait avancer les choses”, reconnaît Esperanza Martínez, même si le débat se poursuit en Equateur. Renoncer au pétrole pour le bien-être de l’humanité “Nous avons travaillé et discuté avec des candidats de différents partis pour que la Constituante aborde résolument la question de l’abandon de l’exploitation pétrolière, commente Mme Martínez. Mais il faut également repenser le modèle économique du pays, c’est-à-dire passer d’un modèle d’extraction à un modèle de production, de transformation, où la question de l’environnement joue un rôle central. Certes, ce gouvernement parle de socialisme du XXIe siècle, mais, comme le socialisme du siècle dernier, nous risquons d’oublier l’environnement.”


En outre, selon la présidente d’Acción Ecológica, “l’Equateur est inscrit dans un quadrilatère : d’un côté, nous avons le Brésil, qui a une vision proche de celle des Etats-Unis et tient par conséquent à ce que des pays comme le nôtre restent des exportateurs d’énergie ; de l’autre, nous avons le Venezuela, qui veut lui aussi que nous restions un pays pétrolier.” Et d’ajouter : “Le Brésil, par exemple, est le pays le plus intéressé par l’ITT. Il a déjà fait des propositions au gouvernement de l’Equateur ; mais, de son côté, le Venezuela nous a proposé une exploitation conjointe.” L’Equateur promouvra-t-il une troisième voie ? Le président Correa semblait le confirmer lorsqu’il a conclu sa participation à la réunion organisée par l’ONU : “La proposition équatorienne revient à repenser la notion de valeur. Dans l’économie de marché, la seule valeur possible est la valeur d’échange, le prix. Pour la première fois, un pays pétrolier, l’Equateur – où le tiers des recettes de l’Etat provient de la manne pétrolière – renonce à ses richesses pour le bien-être de l’humanité tout entière et invite le monde à participer à cet effort à travers une juste indemnisation, pour qu’ensemble nous jetions les bases d’une civilisation plus humaine et plus juste.”

Matteo Dean - Proceso

En route pour le changement

4 oct. 2007

ÉQUATEUR

Le président équatorien Rafael Correa avait menacé de démissionner si les élections du 30 septembre ne lui étaient pas favorables. Le voilà rassuré : son parti a obtenu la majorité absolue dans la nouvelle Assemblée constituante.

Après le Venezuela et la Bolivie, c’est donc l’Equateur qui se dote d’une nouvelle Constitution, qui devrait, à en croire la presse du pays, enfin introduire “le changement”. “Hier, le peuple équatorien a donné naissance à une fonction de l’Etat nouvelle. L’Assemblée constituante ne sera ni le vieux Congrès, ni le président, ni le parti du gouvernement, ni la somme de blocs partisans. C’est le début de quelque chose de nouveau, dont les signes se verront certes un peu plus tard, mais qu’il faut recevoir sans préjugés, avec une ouverture totale”, se félicite l’éditorialiste du quotidien El Universo (de Guayaquil), tout en prévenant : “On peut être d’accord ou non avec la composition de l’Assemblée, mais nous avons besoin d’institutions solides et nous ne pouvons continuer à détruire celles qui ne nous conviennent pas. Il faut donc que tous les secteurs sociaux fassent un effort pour que l’Assemblée constituante soit un succès.” “En dépit des limitations du processus électoral, il faut souligner la tenue paisible et normale de ce scrutin si complexe [les électeurs devaient choisir parmi 3 229 candidats issus de 497 partis et mouvements politiques pour désigner les 130 membres de l’Assemblée]”, souligne le quotidien Hoy, pour qui les résultats confirment “le mandat citoyen pour un changement politique mais ordonné et démocratique, respectant les différentes conceptions politiques du pays” et qui souligne que “les premières déclarations du président montrent une disposition au dialogue”. Le quotidien El Comercio déplore de son côté “l’état de paralysie” dans lequel se trouve actuellement la Bolivie voisine du fait du comportement de son Assemblée constituante et rappelle aux représentants équatoriens élus qu’ils ont “un mandat éthique élémentaire”. “Cette Assemblée constituante élue par le peuple, souligne El Comercio, doit accepter deux principes fondamentaux : elle n’est pas née des excès d’une dictature et elle doit profiter de l’opportunité historique de réaliser des changements institutionnels qui corrigent le fait que l’Equateur est internationalement considéré comme l’une des nations les plus instables de la planète.” Grâce à cette nouvelle Assemblée, Rafael Correa a désormais les mains libres pour dissoudre le Congrès, actuellement dominé par la droite, et mettre en marche le “changement économique” qu’il avait annoncé au lendemain de son élection.

Connaissez-vous le cinéma équatorien ?

26 sept. 2007


ESPAGNE


Un petit film équatorien fait mieux à Madrid et à Barcelone que les grosses productions françaises et américaines. Un succès inattendu qui repose sur une communauté équatorienne forte de 700 000 personnes.


Tandis que les professionnels du cinéma espagnol ont les yeux rivés sur le festival de Saint-Sébastien [du 20 au 29 septembre], des milliers d'Equatoriens — sur les quelque 700 000 qui vivent en Espagne — prennent les salles d'assaut pour aller voir en famille un film tourné dans leur pays et mis en scène par une compatriote. "Une véritable invasion", assure Enrique Pérez, propriétaire des cinémas Verdi qui ont projeté le film à Madrid et à Barcelone. "Il a fallu le programmer dans une salle plus grande, parce que des gens restaient à l'extérieur. Résultat, Qué tan lejos [Pas si loin] est devenu le numéro 1 des recettes dans les cinémas Renoir et Verdi, supplantant Dialogue avec mon jardinier, de Jean Becker, ainsi que les deux films qui étaient censés cartonner au box-office ce mois-ci : En la ciudad de Sylvia, de José Luis Guerín, et Caótica Ana, de Julio Medem.



Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 5 000 spectateurs pour seulement 11 copies dans toute l'Espagne. Pas moins de 1 558 spectateurs ont vu le film dans les Verdi de Madrid pendant le week-end, contre 900 pour Dialogue avec mon jardinier dans les mêmes cinémas. Même chose aux Renoir de la place d'Espagne à Madrid : il a fait 1 100 entrées contre 627 pour Caótica Ana. "Personne ne s'attendait à un tel phénomène", se réjouit une porte-parole d'Alta Films, propriétaire des cinémas Renoir, qui a produit et distribué le film. "Notre campagne de lancement y est sans doute aussi pour quelque chose". Rafa, un Equatorien de 27 ans, aide-magasinier, qui vit en Espagne depuis onze ans, a vu la publicité dans le gratuit 20 minutes. Il sortait hier [lundi 24 septembre] de la séance de 18 h 15 avec des compatriotes et d'autres spectateurs espagnols. "Ça m'a plu, ça montre bien ce qu'est l'Equateur, avec tous ses visages : le fils de bonne famille, le pauvre, le routard… On est loin des clichés d'ici ou de là-bas, c'est un film très drôle", commente-il. Il est accompagné de sa petite amie, Leticia, 25 ans, qui vit depuis six ans en Espagne et travaille comme caissière. "Ça nous montre tel qu'on est", dit-elle. "C'est l'Equateur à l'état pur", explique Mercedes Sánchez, porte-parole de la Fédération des associations équatoriennes en Espagne (FENADEE). "Ce n'est pas le genre de film qui traite le thème de l'immigration d'un point de vue misérabiliste.



Dans ce film, au contraire, la cinéaste montre l'attitude ironique avec laquelle nous affrontons les problèmes de la vie, notre sens de l'humour. C'est un regard original et réaliste sur une question qui regarde beaucoup d'entre nous, Equatoriens d'Espagne". Qué tan lejos dépeint un Equateur vidé par l'émigration. Et peut-être beaucoup de ces immigrés ont-ils vu, au travers du regard de la réalisatrice Tania Hermida, ce qu'ils ont laissé là-bas. Sur le mode du road movie, comme s'il s'agissait d'un Thelma et Louise équatorien, la jeune réalisatrice met en scène la réalité complexe d'un pays qui a récemment changé trois fois de président en deux ans, où les villages subissent de véritables saignées qui les privent de leurs forces vives, où les jeunes s'en vont en confiant les enfants à leurs grands-parents. Tania Hermida épingle au passage l'ignorance des Espagnols qui ne savent vraiment rien de l'Equateur, à part le nom de quelques-uns de ses volcans. Voilà un film où, comme par hasard, la protagoniste espagnole s'appelle Esperanza [Espérance] et l'équatorienne, Tristeza [Tristesse]. Un film qui se termine comme il a commencé. Peut-être parce que, comme dit l'un des personnages, "les fins heureuses dépendent d'où on met le point final".


Patricia Ortega Dolz El País

Montée des tensions avec la Colombie

hebdo n° 862 - 10 mai 2007

ÉQUATEUR
Face aux incursions de la guérilla colombienne et à la politique d’éradication des cultures de coca menée par le gouvernement colombien, les autorités équatoriennes se mobilisent. Reportage.


De Quito A la frontière nord de l’Equateur, avec la Colombie, sur une frange de 640 kilomètres de forêt inhospitalière et suffocante, la situation est chaque jour un peu plus tendue. C’est par cette région que transitent les produits nécessaires au traitement et à la fabrication de la cocaïne. Les groupes armés et les narcotrafiquants colombiens y sont nombreux, car ils ont pris l’habitude de passer en territoire équatorien pour se ravitailler ou pour échapper à la justice de leur pays. C’est aussi dans cette zone que le gouvernement colombien pratique les épandages aériens de glyphosate [un puissant herbicide] en vue d’éradiquer les champs de coca. Leur impact sur la santé des habitants et l’écosystème est sans doute désastreux. [Ces épandages sont à l’origine de plusieurs incidents diplomatiques, Quito affirmant, rapports à l’appui, qu’ils sont nocifs, contrairement à ce qu’affirme Bogotá. Ils ont été suspendus en décembre 2005, puis rétablis en avril 2006 et de nouveau suspendus.]


Le gouvernement équatorien, qui veut faire respecter sa souveraineté, ne lésine pas sur les moyens. Les patrouilles permanentes de l’armée équatorienne dans cette région de la forêt amazonienne, la province de Sucumbíos, ont progressivement permis de démanteler un grand nombre de campements des narcotrafiquants et de la guérilla et de détruire des laboratoires de cocaïne, parfois très sophistiqués. “Nous faisons tout notre possible pour faire respecter notre frontière. Mais la forêt est très perméable et toutes sortes d’activités illégales y sont pratiquées”, explique le général Jorge Peña, commandant de la quatrième division de l’armée de l’Amazone. Notre équipe l’a suivi dans son travail, survolant la zone en hélicoptère et supervisant le travail au sol. Etant donné la proximité du danger, le gilet pare-balles était de rigueur. A l’intérieur d’une tente rapiécée sont exposés des fusils, des bombes artisanales, des grenades, des cartes et de faux uniformes militaires arborant sur les manches le portrait de Che Guevara et le drapeau colombien. “Ce sont des armes et des munitions saisies ce matin, lors de la capture de huit Colombiens et d’un Equatorien soupçonnés d’être des militants des FARC. L’un d’entre eux, le commandant Richard, s’est rendu sans opposer de résistance”, explique le général Peña. “C’est un coup dur pour eux. Dans ce genre de cas, nous devons prendre des mesures de sécurité très importantes”, souligne le major Jorge Villalba, chef des relations publiques de la force terrestre. Selon ce dernier, il y a peu d’affrontements armés à la frontière nord de l’Equateur. “J’espère que nous n’aurons jamais à utiliser les armes pour repousser cette menace. Chaque mort est une perte pour l’humanité”, lâche-t-il.


Le conflit prend chaque jour un peu plus d’ampleur Mais cette tension latente affecte la population civile, qui vit dans une angoisse perpétuelle. Sur les rives du río San Miguel, frontière naturelle entre les deux pays, nous rencontrons un jeune homme de 28 ans d’origine colombienne, vivant dans une misérable cabane de bois avec ses deux enfants nés en Equateur. Il évite notre regard et refuse d’aborder le sujet, par peur des représailles. “Vous, les journalistes, une fois que vous avez vos informations, vous pouvez partir, mais nous, les paysans, on reste dans cet enfer. Ces gens n’ont aucune pitié, même pas pour les plus faibles. Qui sait s’ils ne vont pas m’accuser de l’arrestation de ce commandant Richard ? lance-t-il. — Mais c’est une information confidentielle, comment le savez-vous ? demande une journaliste. — Moi, je ne sais rien. Laissez-moi tranquille”, répond-il brusquement en s’éloignant avec ses enfants.


On soupçonne une partie de ces habitants de collaborer – de leur plein gré ou non – avec les FARC. Le conflit entre les deux pays prend chaque jour un peu plus d’ampleur, en dépit du fait que l’Equateur, par solidarité avec la Colombie, a accueilli plus d’un demi-million de réfugiés, pour la plupart sans papiers. “Nous sommes au cœur d’un problème qui ne nous concerne pas, c’est vraiment injuste”, déplore Rosa María, une vieille femme équatorienne. L’“importation” de ce problème colombien l’a obligée à quitter son village natal, situé près de la frontière. “Cette région était ma terre natale, et je pouvais me déplacer librement, d’un point à un autre, de jour comme de nuit, avec ma famille. Aujourd’hui, cette terre n’appartient plus à personne. On ne sait jamais de quoi demain sera fait.” La population ne voit pas l’intérêt de tant de traités et de conventions si elle continue de souffrir chaque jour du manque de réponse à ses problèmes. Son inquiétude est à son comble depuis qu’elle en ressent les effets dans sa chair. Les épandages aériens de glyphosate sur les populations frontalières équatoriennes, qui devaient avoir lieu à une distance minimale de 10 kilomètres de la frontière commune, sont probablement nocifs pour la santé. “Mes enfants et mon épouse ont eu des taches sur la peau, ils ont contracté des grippes et d’autres maladies inexplicables”, signale Manuel Chinga, 45 ans. “Certaines femmes ont même fait des fausses couches. Car, même si les épandages durent peu de temps, ils sont fréquents. Des enfants sont nés avec des malformations et même les petits animaux ont été touchés.” La reprise des épandages a entraîné un incident diplomatique. Ils ont à nouveau été suspendus dans l’attente du verdict des commissions scientifiques des deux pays.


Daniela Creamer El Mundo

Le représentant de la Banque mondiale indésirable en Equateur

27 avr. 2007

HOY

Le président équatorien, Rafael Correa (socialiste), a expulsé le représentant de la Banque mondiale (BM) dans le pays, Eduardo Somensatto. Correa accuse la BM de chantage : en 2005, alors qu'il était ministre de l'Economie, elle aurait suspendu un prêt de 100 millions de dollars, en représailles contre les réformes menées par l'Equateur dans le secteur pétrolier. "Nous ne sommes la colonie de personne", a déclaré Correa à la radio.