samedi 27 octobre 2007

Connaissez-vous le cinéma équatorien ?

26 sept. 2007


ESPAGNE


Un petit film équatorien fait mieux à Madrid et à Barcelone que les grosses productions françaises et américaines. Un succès inattendu qui repose sur une communauté équatorienne forte de 700 000 personnes.


Tandis que les professionnels du cinéma espagnol ont les yeux rivés sur le festival de Saint-Sébastien [du 20 au 29 septembre], des milliers d'Equatoriens — sur les quelque 700 000 qui vivent en Espagne — prennent les salles d'assaut pour aller voir en famille un film tourné dans leur pays et mis en scène par une compatriote. "Une véritable invasion", assure Enrique Pérez, propriétaire des cinémas Verdi qui ont projeté le film à Madrid et à Barcelone. "Il a fallu le programmer dans une salle plus grande, parce que des gens restaient à l'extérieur. Résultat, Qué tan lejos [Pas si loin] est devenu le numéro 1 des recettes dans les cinémas Renoir et Verdi, supplantant Dialogue avec mon jardinier, de Jean Becker, ainsi que les deux films qui étaient censés cartonner au box-office ce mois-ci : En la ciudad de Sylvia, de José Luis Guerín, et Caótica Ana, de Julio Medem.



Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 5 000 spectateurs pour seulement 11 copies dans toute l'Espagne. Pas moins de 1 558 spectateurs ont vu le film dans les Verdi de Madrid pendant le week-end, contre 900 pour Dialogue avec mon jardinier dans les mêmes cinémas. Même chose aux Renoir de la place d'Espagne à Madrid : il a fait 1 100 entrées contre 627 pour Caótica Ana. "Personne ne s'attendait à un tel phénomène", se réjouit une porte-parole d'Alta Films, propriétaire des cinémas Renoir, qui a produit et distribué le film. "Notre campagne de lancement y est sans doute aussi pour quelque chose". Rafa, un Equatorien de 27 ans, aide-magasinier, qui vit en Espagne depuis onze ans, a vu la publicité dans le gratuit 20 minutes. Il sortait hier [lundi 24 septembre] de la séance de 18 h 15 avec des compatriotes et d'autres spectateurs espagnols. "Ça m'a plu, ça montre bien ce qu'est l'Equateur, avec tous ses visages : le fils de bonne famille, le pauvre, le routard… On est loin des clichés d'ici ou de là-bas, c'est un film très drôle", commente-il. Il est accompagné de sa petite amie, Leticia, 25 ans, qui vit depuis six ans en Espagne et travaille comme caissière. "Ça nous montre tel qu'on est", dit-elle. "C'est l'Equateur à l'état pur", explique Mercedes Sánchez, porte-parole de la Fédération des associations équatoriennes en Espagne (FENADEE). "Ce n'est pas le genre de film qui traite le thème de l'immigration d'un point de vue misérabiliste.



Dans ce film, au contraire, la cinéaste montre l'attitude ironique avec laquelle nous affrontons les problèmes de la vie, notre sens de l'humour. C'est un regard original et réaliste sur une question qui regarde beaucoup d'entre nous, Equatoriens d'Espagne". Qué tan lejos dépeint un Equateur vidé par l'émigration. Et peut-être beaucoup de ces immigrés ont-ils vu, au travers du regard de la réalisatrice Tania Hermida, ce qu'ils ont laissé là-bas. Sur le mode du road movie, comme s'il s'agissait d'un Thelma et Louise équatorien, la jeune réalisatrice met en scène la réalité complexe d'un pays qui a récemment changé trois fois de président en deux ans, où les villages subissent de véritables saignées qui les privent de leurs forces vives, où les jeunes s'en vont en confiant les enfants à leurs grands-parents. Tania Hermida épingle au passage l'ignorance des Espagnols qui ne savent vraiment rien de l'Equateur, à part le nom de quelques-uns de ses volcans. Voilà un film où, comme par hasard, la protagoniste espagnole s'appelle Esperanza [Espérance] et l'équatorienne, Tristeza [Tristesse]. Un film qui se termine comme il a commencé. Peut-être parce que, comme dit l'un des personnages, "les fins heureuses dépendent d'où on met le point final".


Patricia Ortega Dolz El País

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