samedi 27 octobre 2007

Correa, un nouveau Chávez ?

28 nov. 2006

ÉQUATEUR
Rafael Correa, élu président de la République dimanche 26 novembre, est considéré comme un partisan de la 'révolution bolivarienne' du président vénézuelien Hugo Chávez. Mais Correa pourrait jouer la carte de la sagesse et de la modération pour ne pas finir comme la plupart de ses prédécesseurs, renversés par la rue ou par le Parlement.


"Le triomphe de Rafael Correa, dimanche 26 novembre, qui était arrivé deuxième au premier tour de l'élection présidentielle, a bousculé tous les pronostics des sondages. Mais cette bataille électorale était la partie la plus facile de son ascension vertigineuse vers le pouvoir. La plus difficile commencera le 15 janvier, quand il assumera la présidence équatorienne avec un Parlement dominé par les partis politiques qui lui sont hostiles. Et avec le défi de convoquer une Assemblée constituante pour 'refonder' la république d'Equateur, comme il l'a annoncé dans son programme", observe le quotidien colombien El Tiempo.


Rafael Correa, économiste, candidat de gauche indépendant, a remporté par 59 % des voix – après dépouillement de 85 % des bulletins – le second tour de l'élection présidentielle équatorienne contre le candidat de droite Alvaro Noboa, magnat local de la banane. Or c'est le parti de ce dernier, le Parti du renouveau institutionnel pour l'action nationale qui, avec 28 sièges sur 100, devrait réussir à former une coalition au Parlement élu en octobre. Le nouveau président équatorien ne dispose pas d'un seul parlementaire de son camp puisque son mouvement politique n'a présenté aucun candidat aux élections législatives. "Lors de sa première déclaration publique après son triomphe électoral, le président élu Rafael Correa a eu la maturité d'admettre que beaucoup de gens qui ont voté pour lui l'ont fait non pas par sympathie pour ses idées mais plutôt pour éviter que son concurrent ne gagne", affirme le quotidien équatorien El Universo.


En effet, si Correa inquiète par son amitié avec le président vénézuélien Hugo Chávez et par son nationalisme économique, son adversaire "n'a proposé pendant la campagne électorale que des appels à Dieu, à la Bible, aux miracles ou aux croyances chrétiennes d'une population oscillant entre la colère, le désespoir et l'émigration", explique le quotidien espagnol El País. Le journal madrilène refuse l'idée que Correa est "la version équatorienne d'un Hugo Chávez ou d'un Fidel Castro comme beaucoup le craignent sur le continent latino-américain et ailleurs. Il est cependant évident que Chávez a montré qu'il était disposé à offrir à Correa sa sympathie et son aide politique et matérielle. Après la Bolivie et le Nicaragua, Chávez, à la veille de sa réélection probable [lors de l'élection présidentielle du 3 décembre prochain], considère sans aucun doute qu'il a étendu son champ d'influence en Amérique latine." Le quotidien péruvien La República s'accorde à dire que le nouveau président ne va pas "se jeter dans les bras de Chávez" même si "il y a un lien entre leurs discours gauchistes", admet le journal de Lima. Rafael Correa a ainsi fait campagne sur le thème de la lutte contre la pauvreté et pour le démantèlement des élites politiques. Il s'oppose au TLC, le Traité de libre-échange que les Etats-Unis s'efforcent de mettre en place avec plusieurs pays latinos. Il songe également à réintégrer l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), que l'Equateur, cinquième producteur d'Amérique latine, a quitté en 1992. "Mais les déclarations de Correa sur ses sympathies avec Chávez sont pour l'instant prudentes.


Quoi qu'il en soit, le triomphe de Correa redessine la scène politique andine, entourant la Colombie et le Pérou de pays notoirement à gauche", affirme La República. "L'Equateur est un des pays au monde avec le plus d'ex-présidents encore en vie", rappelle le quotidien espagnol ABC, qui se réfère à la grande instabilité qui pèse sur la vie politique équatorienne. Le pays a connu cinq présidents en dix ans. Trois d'entre eux n'ont pas pu finir leur mandat, renversés par la rue ou le Parlement. Le président actuel Alfredo Palacio est arrivé au pouvoir en avril 2005 après le renversement de Lucio Gutiérrez. Pour le Financial Times, cela handicape le mandat à venir de Correa qui devrait "être un leader particulièrement faible". Le quotidien britannique évoque "l'inexpérience gouvernementale du nouveau président", qui a seulement occupé le poste de ministre des Finances et pendant à peine trois mois en 2005. Il devra pourtant faire face à "un Parlement divisé et contrôlé par ses opposants".


"Washington n'a donc pas à s'inquiéter" de cette nouvelle victoire d'un proche de Chávez. "Le pragmatisme et la modération doivent guider les Etats-Unis dans leurs relations avec ce nouveau dirigeant latino-américain", conseille le FT. Pour le quotidien équatorien Hoy, "le problème du président Correa n'est pas sa solitude politique. Un président est toujours seul. Son souci sera de ne pas se laisser entraîner dans des alliances contre-nature pour obtenir l'aval du Parlement. Il doit avoir un projet politique basé sur une pensée stratégique. Une équipe cohérente, concentrée sur les objectifs, est ce dont le pays a besoin. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas négocier avec les partis qui lui sont opposés mais c'est le projet politique pour la nation qui doit prédominer. Cela n'a pas d'importance que les électeurs l'aient élu par rejet de l'autre candidat. C'est une grande occasion pour nous que de participer à l'émergence de la nouvelle gauche latino-américaine."


Hamdam Mostafavi

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